Des dizaines de personnes se sont rassemblées ce 2 juin 2025 devant l’Assemblée nationale à Nouakchott pour exiger justice après le viol et le meurtre d’Hawa Traoré, une jeune femme enceinte de 18 ans. Son corps avait été découvert le 29 mai dans une chambre privée, après qu’un jeune homme – suspecté d’avoir entretenu une relation avec elle – a alerté sa famille avant de prendre la fuite. Le choc est d’autant plus fort que l’affaire s’inscrit dans une série d’agressions similaires passées sous silence.
Selon les premiers éléments de l’enquête, la victime avait quitté son domicile pour se rendre à l’hôpital avant d’être retrouvée morte, enfermée et mutilée. L’auteur présumé du crime n’a pas encore été arrêté, et les retards dans l’intervention des autorités – notamment du procureur, arrivé plus de 24 heures après la découverte – nourrissent la frustration de la population. « Ce n’est ni la première ni la dernière fois que des filles sont violées et tuées dans l’indifférence », déplore une manifestante. La lenteur de la procédure judiciaire et l’absence de réaction rapide des forces de l’ordre sont au cœur de la colère exprimée dans la rue.
Ce nouveau drame survient dans un pays où les violences sexuelles sont rarement poursuivies, faute de cadre juridique adapté. En Mauritanie, aucune loi ne définit clairement ce qu’est un viol, et les victimes risquent parfois la prison, notamment si elles ne parviennent pas à prouver l’agression selon les normes établies. Ce vide juridique, dénoncé de longue date par les ONG féministes, alimente l’impunité et décourage les plaintes. Les associations appellent depuis plusieurs années à une réforme législative de fond pour mieux protéger les femmes et les filles.
Face à l’ampleur de la mobilisation, les autorités sont sous pression. Des figures militantes comme Dieynaba Ndiom pointent la responsabilité directe de l’État mauritanien. « Chaque jour, il y a des viols, des agressions. Mais il n’y a toujours pas de loi pour protéger les victimes », dénonce-t-elle. Elle appelle à l’application des conventions internationales déjà ratifiées par le pays, mais restées sans effet. Pour ces militantes, l’affaire Hawa Traoré est un énième rappel de l’urgence d’agir, non seulement sur le plan judiciaire, mais aussi sur les normes sociales et éducatives.
Les voix féministes se font de plus en plus entendre dans une société patriarcale où parler de viol reste tabou. L’inaction de l’État est vécue comme une forme de complicité. « Les féministes réclament justice non seulement pour Hawa, mais pour toutes les victimes passées », insiste Dieynaba Ndiom. Leur mobilisation s’ancre dans une revendication plus large : repenser les rapports sociaux, changer l’éducation, faire respecter les droits humains. Tant que les textes ne changent pas, préviennent-elles, la rue restera leur seul recours.