Le président Paul Biya a entamé un nouveau mandat dans un contexte de légitimité contestée et de défis accumulés. À 90 ans, le chef de l’État, au pouvoir depuis 1982, fait face à une pression sociale et politique sans précédent, tandis que la fracture entre le pouvoir et une partie de la population n’a jamais semblé aussi profonde.
Sa réélection en octobre dernier, bien qu’anticipée, a été marquée par une dynamique nouvelle. La campagne a vu l’émergence médiatique d’Issa Tchiroma Bakary, dont la percée a symbolisé une forme de renouvellement du discours oppositionnel. Plus significatif encore, un fort sentiment de « dégagisme » a animé une partie de l’électorat, particulièrement parmi la jeunesse, qui ne se reconnaît plus dans un système politique perçu comme figé.
Ce nouveau mandat s’inscrit dans une trajectoire historique lourde. Paul Biya, l’un des doyens des chefs d’État en exercice sur la scène internationale, a bâti un régime où la stabilité a longtemps primé sur les réformes démocratiques. Cette longévité politique contraste aujourd’hui avec l’urgence des problèmes nationaux. L’économie, bien qu’affichant une croissance théorique, peine à créer des emplois pour une population jeune et de plus en plus urbaine. Parallèlement, la crise sécuritaire dans les régions anglophones mine l’unité du pays depuis plusieurs années.
Les perspectives pour ce septennat sont celles d’une navigation en eaux troubles. Les observateurs s’interrogent sur la capacité du président à initier les réformes structurelles que beaucoup appellent de leurs vœux. La question de sa succession, taboue jusqu’à présent, deviendra inéluctablement le sujet central de ce mandat, avec le risque d’une intensification des luttes de pouvoir au sein de l’appareil étatique. La gestion des crises immédiates, qu’elles soient sécuritaires, économiques ou sociales, déterminera la possibilité même d’une transition apaisée à terme.
Au-delà des défis institutionnels, la fracture intergénérationnelle représente une faille critique. Une large partie de la jeunesse camerounaise, déconnectée de la vieille garde politique, exige des comptes et des opportunités. Son désenchantement est un terreau fertile pour l’instabilité si des réponses concrètes ne sont pas apportées rapidement aux questions de chômage et de représentation politique.
Enfin, la crédibilité internationale du Cameroun est également en jeu. Partenaires traditionnels et investisseurs étrangers observent avec une attention accrue la capacité de Yaoundé à résoudre la crise dans les régions anglophones de manière inclusive et à garantir une gouvernance transparente. La manière dont le pouvoir gérera ces dossiers sensibles définira non seulement la place du Cameroun dans la sous-région, mais aussi son attractivité économique pour la décennie à venir.



