Le président nigérian Bola Tinubu a décrété l’état d’urgence dans l’État de Rivers, une décision qui a immédiatement divisé l’opinion publique. Cette mesure, prise le 18 mars, suspend tous les élus locaux, dont le gouverneur Siminalayi Fubara et son vice-gouverneur, en raison de tensions persistantes avec l’ex-gouverneur Nyesom Wike. Ce dernier, bien que membre de l’opposition, a soutenu Tinubu lors des élections présidentielles de 2023 et a depuis été nommé ministre du Territoire de la capitale fédérale. Le chef de l’État a justifié sa décision par des mois de discordes politiques, mais cette initiative soulève de nombreuses interrogations.
La tension entre le gouverneur actuel Siminalayi Fubara et son prédécesseur Nyesom Wike n’est pas nouvelle. Wike, une figure influente de la politique nigériane, a été accusé de chercher à maintenir son pouvoir sur la région pétrolière, un bastion stratégique pour le pays. Les différends entre les deux hommes ont fait surface au fil des mois, exacerbant les tensions politiques et créant une atmosphère de méfiance. La décision de Tinubu de suspendre les élus de l’État de Rivers fait suite à ces rivalités et intervient dans un contexte de forte instabilité politique et économique, notamment en raison de l’importance de cette région dans la production pétrolière du Nigeria.
L’annonce de l’état d’urgence a déclenché une vague de critiques de la part de plusieurs gouverneurs du Parti Démocratique Populaire (PDP), l’opposition principale au Nigeria. Ces derniers ont saisi la Cour suprême pour contester la décision, arguant que le président n’avait pas le pouvoir constitutionnel de suspendre un gouverneur et un vice-gouverneur élus démocratiquement. De plus, la nomination d’un administrateur unique pour gouverner l’État de Rivers pendant six mois est considérée comme inconstitutionnelle par ces dirigeants. Les opposants dénoncent également le précédent dangereux que pourrait créer cette décision, en compromettant l’équilibre des pouvoirs au Nigeria.
La mesure prise par Tinubu pourrait avoir des conséquences bien au-delà de la politique locale. En effet, l’État de Rivers, situé dans le delta du Niger, est le théâtre de tensions ethniques et de violences liées à la lutte pour les ressources pétrolières. Les groupes militants locaux, souvent liés à des politiciens, ont menacé de perturber les infrastructures pétrolières de la région. Une gestion centralisée par un administrateur nommé par le président pourrait exacerber ces tensions, compliquant davantage la situation sécuritaire et politique dans cette zone déjà fragile.
L’État de Rivers est au cœur des préoccupations économiques du Nigeria, en raison de son rôle central dans l’industrie pétrolière. La région est donc un terrain de bataille politique, où les enjeux de pouvoir sont souvent liés à l’accès aux ressources naturelles. L’instabilité politique et les décisions comme celle de l’état d’urgence risquent de nuire à la stabilité de la région, déjà marquée par des conflits locaux. De plus, certains analystes s’inquiètent de la réaction des militants, dont les actions passées ont montré leur capacité à perturber l’approvisionnement en pétrole du pays, avec des répercussions potentielles sur l’économie nationale.
L’annonce de l’état d’urgence pourrait également être un signe de tensions croissantes au sein du gouvernement de Tinubu. Si la mesure est perçue comme une tentative de renforcer son contrôle sur une région stratégique, elle pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles rivalités au sein de l’élite politique nigériane. Les observateurs s’interrogent sur la manière dont cette situation pourrait évoluer, notamment en termes de gouvernance nationale et de relations entre les différents partis politiques du pays. Dans ce climat de division, le leadership de Tinubu sera mis à l’épreuve, avec des implications non seulement pour Rivers, mais aussi pour l’ensemble du Nigeria.