Le président rwandais Paul Kagame a livré un réquisitoire sans concession contre l’attitude de soumission qu’il juge encore trop répandue en Afrique. Lors de la cérémonie d’investiture du nouveau Premier ministre Justin Nsengiyumva, le chef d’État a interpellé ses concitoyens et l’ensemble du continent sur la nécessité de rejeter définitivement les humiliations quotidiennes et de revendiquer leur dignité.
Kagame n’a pas mâché ses mots face au “niveau stupéfiant de manque de respect” que subissent selon lui les Rwandais et les Africains. Sa critique vise directement l’acceptation passive de ces situations : “Pourquoi le tolérons-nous ? Qu’est-ce qui nous manque pour le rejeter ?” Cette interrogation frontale traduit sa frustration face à ce qu’il perçoit comme une résignation collective. Le président a insisté sur l’impératif de “choisir ses batailles”, plaçant la dignité et les responsabilités nationales au cœur des priorités : “Nous ne sommes pas ici pour servir les intérêts des autres, nous servons notre peuple.”
Cette prise de position s’inscrit dans la continuité de la rhétorique kagamiste qui, depuis plus de deux décennies, prône la souveraineté absolue du Rwanda face aux pressions extérieures. Kagame a bâti sa légitimité sur le redressement post-génocide et la modernisation accélérée du pays, souvent en défiant les injonctions occidentales sur la démocratie ou les droits humains. Cette posture lui a valu autant d’admirateurs que de détracteurs, mais elle reflète une volonté assumée de placer le Rwanda sur un pied d’égalité avec ses partenaires internationaux.
L’appel du président rwandais survient dans un contexte continental où plusieurs dirigeants africains remettent en question les relations traditionnelles avec les anciennes puissances coloniales. Cette dynamique, observable du Mali au Burkina Faso en passant par le Niger, témoigne d’une aspiration croissante à redéfinir les termes de la coopération internationale. Kagame semble vouloir capitaliser sur cette tendance en positionnant le Rwanda comme un modèle d’émancipation politique et économique.
Le discours accompagnait l’installation du Dr Justin Nsengiyumva, ancien vice-gouverneur de la Banque nationale du Rwanda, qui succède à Édouard Ngirente après huit années à la tête du gouvernement. Ce changement de Premier ministre, annoncé le 23 juillet, ouvre la voie à la formation d’un nouveau Cabinet dans les quinze jours, conformément aux dispositions constitutionnelles. Le profil économique du nouveau chef de gouvernement pourrait signaler une priorité accordée aux questions de développement économique et de souveraineté financière.
L’exhortation de Kagame à “évoluer” et à ne plus “rester les mêmes Africains qu’il y a 100 ou même 50 ans” résonne comme un manifeste pour une nouvelle génération de dirigeants africains. Cette vision transformatrice, si elle séduit une partie de l’opinion publique continentale, soulève néanmoins des questions sur les méthodes employées pour l’incarner. Entre ambitions légitimes d’émancipation et risques d’autoritarisme, la ligne reste ténue dans l’approche kagamiste du leadership africain.