Lors d’une conférence sur les carburants raffinés à Abuja, Aliko Dangote a dénoncé l’entrée massive de carburants russes à bas prix sur le marché africain. Le milliardaire nigérian a mis en garde contre leur faible qualité et leur toxicité, soulignant qu’ils ne respectent pas les normes en vigueur ailleurs dans le monde et compromettent à la fois la santé publique et le développement industriel local.
Ces carburants, interdits ou strictement encadrés en Europe et en Amérique du Nord, trouvent en Afrique un marché sans barrière. Le port de Lomé, selon Dangote, serait l’un des principaux points de stockage, avec plus de 2 millions de barils prêts à être redistribués dans la sous-région. En l’absence de normes environnementales strictes, ces produits circulent librement, alimentant un marché parallèle incontrôlé.
Le continent produit environ 7 millions de barils de brut par jour, mais n’en raffine localement que 40 %. Cette dépendance à l’importation, combinée à un vide réglementaire, ouvre la voie à des pratiques de dumping. Plusieurs navires russes, mentionnés dans un rapport de Reuters, naviguent sans destination claire, signe de transactions opportunistes. Les États comme le Maroc, le Togo, la Tunisie et l’Égypte figurent parmi les principaux acheteurs.
Pour Dangote, ce marché déséquilibré compromet les ambitions de souveraineté énergétique de l’Afrique. Sa propre raffinerie, récemment mise en service et censée contribuer à l’autonomie du Nigeria, fait face à une concurrence déloyale. L’absence de mécanismes de protection – taxes douanières, plafonds d’émissions, contrôles qualité – empêche toute compétitivité durable des raffineries locales.
Les propos de Dangote résonnent avec le scandale révélé en 2016 par l’ONG suisse Public Eye. À l’époque, des multinationales comme Trafigura ou Vitol écoulaient déjà en Afrique de l’Ouest des carburants contenant jusqu’à 378 fois plus de soufre que les normes européennes. Le concept de « qualité africaine », forgé par ces acteurs, révélait une logique assumée d’exportation de produits toxiques vers des marchés peu protégés.
Malgré les promesses faites à la suite de cette enquête, les pratiques ont peu évolué. Certaines entreprises se contentent de respecter les normes locales, même lorsqu’elles sont quasi inexistantes. D’autres, sans être en infraction formelle, profitent de l’inaction des gouvernements pour maintenir leurs marges au détriment de la santé des populations africaines.