À moins de deux mois de la présidentielle prévue le 12 octobre 2025, le Cameroun n’a toujours pas publié de fichier électoral complet et consultable. L’organe en charge du scrutin, Elections Cameroon (Elecam), affirme que le « toilettage » est en cours et promet des listes définitives seulement huit jours avant le vote. Mais cette absence de transparence alimente la méfiance d’une partie de la classe politique et de la société civile.
Le mouvement Stand Up For Cameroon dit avoir relevé de multiples anomalies : électeurs décédés toujours inscrits, fiches incomplètes ou encore photographies de mineurs. Pour Remi Tassing, ingénieur en informatique qui surveille le processus, ces incohérences interrogent sur la rigueur d’Elecam. « On ne peut évaluer l’ampleur du problème sans accès au fichier global », prévient-il, dénonçant un système qui, selon lui, risque de ne pas refléter la volonté des Camerounais.
La question de la fiabilité du fichier électoral n’est pas nouvelle au Cameroun. Elle revient à chaque élection, opposant ceux qui défendent l’intégrité du processus à ceux qui soupçonnent des manipulations. En 2023, Maurice Kamto, alors candidat déclaré, avait saisi le Conseil constitutionnel pour obtenir la publication des listes nationales, sans succès. Le débat cristallise ainsi un enjeu central : la crédibilité du scrutin dans un pays marqué par une longue histoire d’élections contestées.
Face aux critiques, Elecam tente de rassurer. Son directeur général adjoint, Abdoul Karimou, parle d’un fichier « dynamique » et annonce que des listes provisoires seront publiées en ligne et localement dans les prochains jours. Les électeurs disposeront alors d’un délai pour formuler des réclamations. Les listes définitives devraient être affichées devant chaque bureau de vote et disponibles en ligne au plus tard le 5 octobre.
Même au sein du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le doute existe. Patrick Rifoe, militant du RDPC, reconnaît que « la fiabilité du fichier électoral est une question lancinante ». Mais il affirme que d’éventuelles irrégularités « ne profitent à personne » et assure que son parti fait confiance à Elecam pour rectifier la situation. Cette position reflète une ligne officielle prudente, cherchant à apaiser sans nier totalement les critiques.
De nombreux acteurs politiques et militants de la société civile en appellent désormais à la vigilance citoyenne. Ils estiment que seule une mobilisation massive le jour du scrutin peut limiter les fraudes éventuelles. Dans un contexte où l’accès au fichier électoral reste restreint, cette surveillance populaire apparaît comme le dernier rempart pour tenter de garantir une élection jugée cruciale pour l’avenir du pays.