Le gouvernement congolais a déboursé plus de 2,4 millions de dollars pour rémunérer les avocats chargés de représenter l’État dans le procès intenté contre l’ancien président Joseph Kabila. Selon une correspondance adressée au ministère du Budget et consultée par RFI, ces honoraires sont destinés à sept avocats mandatés dans cette affaire sensible jugée par la Haute Cour militaire à Kinshasa.
À lui seul, le coordonnateur du collectif d’avocats pourrait percevoir jusqu’à 400 000 dollars, tandis que le moins rémunéré toucherait 300 000 dollars. Cette enveloppe a été qualifiée de « modeste et patriotique » par Me Jean-Marie Kabengele, qui souligne la dangerosité du dossier. L’avocat affirme que plusieurs confrères ont refusé d’y prendre part en raison des risques encourus. Il évoque notamment des menaces de mort reçues par certains membres de l’équipe, après la première audience.
Joseph Kabila, ancien chef de l’État, est accusé de collusion avec la rébellion du M23/AFC, active dans l’est du pays. Bien qu’il refuse de comparaître, il fait face à des chefs d’accusation lourds, pouvant aller jusqu’à la peine de mort et la confiscation de ses biens. Le recours à une procédure d’urgence pour payer les avocats illustre la tension qui entoure ce dossier, sur fond de rivalités politiques et de crise sécuritaire persistante dans la région du Kivu.
Ce procès, s’il va à son terme, pourrait marquer un précédent dans l’histoire politique congolaise, en remettant en cause l’impunité des anciens dirigeants. Toutefois, l’absence de Kabila et les réactions mitigées de l’opinion laissent planer le doute sur l’issue réelle de cette procédure. L’ampleur des sommes engagées soulève aussi des interrogations sur les priorités de l’État congolais dans un contexte de restrictions budgétaires.
La rémunération exceptionnelle des avocats dans les affaires impliquant l’État congolais n’est pas une nouveauté. Une source au ministère de la Justice évoque même un véritable système parallèle. Dans le contentieux opposant la RDC à l’Ouganda devant la Cour internationale de justice, un avocat avait réclamé 15 millions de dollars. De telles pratiques entretiennent l’opacité du système judiciaire et interrogent sur les critères de sélection des cabinets et la transparence des dépenses publiques.
À travers cette affaire, c’est la crédibilité de la justice militaire et, plus largement, du système judiciaire congolais qui est en jeu. Tandis que certains y voient une tentative courageuse de faire rendre des comptes à une figure intouchable du passé, d’autres y perçoivent un procès politique, instrumentalisé dans un climat de règlements de comptes. Quoi qu’il en soit, le coût de cette opération judiciaire ne manquera pas d’alimenter la polémique, dans un pays où les besoins sociaux restent criants.