Signé le 27 juin à Washington, l’accord conclu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, avec l’appui direct des États-Unis, vise à apaiser trois décennies de tensions frontalières et d’affrontements indirects dans la région des Grands Lacs. Le texte fixe un cadre global, contraignant à la fois sur les plans politique, sécuritaire, humanitaire et économique, pour rompre avec les cycles de violences et de méfiance mutuelle.
Les deux pays s’engagent à respecter leur souveraineté mutuelle, à renoncer à toute hostilité directe ou indirecte, et à cesser tout appui aux groupes armés non étatiques. Le cœur sécuritaire de l’accord repose sur le Plan CONOPS, déjà adopté en 2024 à Luanda, qui prévoit le désengagement militaire du Rwanda et la neutralisation des FDLR. Un Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM), composé de militaires et de diplomates des deux pays, appuyé par des observateurs américains et qataris, est chargé du suivi opérationnel, avec des rapports mensuels exigés.
L’accord intervient après des années de tensions croissantes dans l’est de la RDC, où Kinshasa accuse Kigali de soutenir la rébellion du M23. De son côté, le Rwanda dénonce la présence active des FDLR, responsables du génocide de 1994, toujours présentes dans le Kivu. Depuis 2021, la situation sécuritaire s’est fortement dégradée, malgré les efforts diplomatiques menés via les processus de Nairobi et de Luanda. La pression des partenaires extérieurs, notamment de Washington et Doha, a permis de débloquer des négociations jusque-là dans l’impasse.
Outre les aspects militaires, l’accord prévoit des initiatives diplomatiques conjointes dans les négociations avec le M23, tout en posant des conditions strictes pour une éventuelle réintégration des ex-combattants dans les forces congolaises. Sur le plan économique, un cadre d’intégration régionale doit être lancé dans les trois mois, avec des projets conjoints autour du lac Kivu, la traçabilité des minerais et des audits indépendants. Ce dispositif ambitionne de redonner de la cohérence économique à une région fragmentée et minée par les trafics illicites.
La MONUSCO, bien que souvent critiquée, est reconnue comme un acteur central dans la stabilisation. Son mandat est réaffirmé, tout comme l’engagement des parties à faciliter ses opérations. Par ailleurs, l’accord s’appuie sur les accords tripartites de 2010 pour organiser un retour volontaire et sécurisé des réfugiés congolais et rwandais, avec des garanties d’accès humanitaire et de protection des civils, en conformité avec le droit international humanitaire.
Un Comité de surveillance conjointe, composé des signataires et de l’Union africaine, devra trancher en cas de violation. Il devra se réunir sous 45 jours, et fonctionner par consensus, ce qui pourrait freiner sa réactivité. Si le texte prévoit une durée illimitée, il reste vulnérable aux calculs politiques à court terme et à l’absence de volonté réelle d’appliquer les engagements. La durabilité de cet accord dépendra donc moins de sa complexité juridique que de la volonté politique des deux capitales à rompre avec leurs pratiques anciennes.
L’annexe opérationnelle du CONOPS fixe un calendrier strict sur 120 jours, en quatre phases – préparation, opérations, évaluation, stabilisation. Si ce cadre offre une visibilité rare dans la diplomatie régionale, il n’en demeure pas moins exposé aux réalités du terrain : fragmentation des groupes armés, méfiance des populations, et rivalités régionales persistantes. Sans une pression constante des garants internationaux, ce nouveau compromis risque de connaître le même sort que ceux du passé.