En RDC, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, se retrouve sous la menace d’une levée d’immunité parlementaire après des soupçons de détournement de fonds publics. La controverse porte sur un contrat de 29 millions de dollars attribué sans appel d’offres à Zion Construction pour la construction d’une prison à Kisangani, avec un premier virement suspect de 19 millions. L’Assemblée nationale examine une requête en ce sens, portée par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde.
Le contrat signé pour la prison de Kisangani soulève des interrogations : un virement initial de 19 millions de dollars a été effectué sur un compte bancaire ouvert la veille, sans justification apparente. Accusé de malversations, Mutamba dénonce une cabale orchestrée par Firmin Mvonde, qu’il qualifie de « mafieux » et de proche des réseaux kabilistes. Dans une allocution le 26 mai, il a rejeté toute faute et accusé le procureur d’agir par représailles.
Cette confrontation intervient dans un climat politique tendu en RDC, où les affaires de corruption impliquant de hauts responsables sont fréquentes, mais rarement poursuivies. Firmin Mvonde, procureur général, est lui-même visé depuis novembre dernier par une enquête sur l’acquisition suspecte d’un immeuble à Bruxelles, initiée par le même Mutamba alors garde des Sceaux. Ces rivalités s’inscrivent dans un paysage judiciaire marqué par les tensions entre les institutions et des luttes d’influence en coulisses.
La commission parlementaire chargée d’examiner la levée d’immunité de Mutamba a entendu les deux protagonistes le 27 mai. Elle doit rendre ses conclusions avant la fin de la semaine. L’Assemblée nationale pourrait alors autoriser ou non les poursuites judiciaires contre le ministre, une décision qui aurait des répercussions politiques majeures, tant pour l’exécutif que pour l’équilibre des pouvoirs dans le pays.
Au-delà des accusations, ce bras de fer met en lumière la fragilité des institutions judiciaires en RDC et les difficultés à faire respecter les principes d’indépendance et de transparence. L’utilisation des leviers judiciaires comme instruments de règlement de comptes politiques fragilise encore davantage la confiance dans le système. Certains observateurs s’inquiètent d’un climat où la justice devient l’arène d’un combat personnel entre deux hauts responsables.
Des voix s’élèvent au sein de la société civile pour réclamer une clarification et une enquête impartiale sur cette affaire. Le Garde des sceaux est soupçonné d’avoir abusé de sa position pour signer un contrat opaque, tandis que le procureur est accusé d’avoir déclenché une procédure contre lui pour détourner l’attention de ses propres problèmes judiciaires. Ce duel révèle les profondes failles d’un système où les conflits d’intérêts nuisent à l’efficacité et à la crédibilité de la justice.