La Cour de cassation de République démocratique du Congo a rejeté mercredi 30 juillet les exceptions procédurales soulevées par les avocats de Constant Mutamba, poursuivi pour détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani. L’ancien ministre de la Justice, figure emblématique du régime Tshisekedi, voit ainsi ses dernières tentatives d’éviter un procès au fond se heurter à la fermeté de l’institution judiciaire.
Les conseils de Mutamba ont multiplié les recours, contestant notamment la régularité du vote de l’Assemblée nationale qui avait autorisé les poursuites contre leur client. Leur argument principal portait sur la modalité du scrutin : selon eux, le vote à main levée était irrégulier et aurait dû se dérouler à bulletins secrets. Cette objection, déjà soulevée à deux reprises, traduit une stratégie défensive axée sur la procédure plutôt que sur le fond, technique classique lorsque les faits reprochés sont difficiles à contester. L’avocat Me Joël Kitenge n’a pas masqué son amertume, dénonçant un “acharnement” et une “justice morte ou pourrie”.
L’affaire Mutamba s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre la corruption au sein de l’appareil étatique congolais. Sous la présidence de Félix Tshisekedi, plusieurs hauts responsables ont été inquiétés, témoignant d’une volonté affichée d’assainissement. Toutefois, ce dossier révèle également les dysfonctionnements chroniques dans la gestion des fonds publics, particulièrement criants dans le secteur pénitentiaire où les conditions de détention demeurent dramatiques. La tentative de virement “hors procédure” de cette somme colossale illustre l’opacité qui continue de caractériser certaines transactions financières de l’État.
L’audience de lundi prochain s’annonce comme un tournant décisif. Mutamba a demandé la comparution de plusieurs personnalités de premier plan, dont la Première ministre Judith Suminwa et son ancienne collègue Rose Mutombo. Cette stratégie vise manifestement à politiser le débat et à impliquer le sommet de l’État dans cette affaire. La liste des témoins convoqués, incluant des responsables de l’Inspection générale des finances et de la Cellule nationale de renseignements financiers, suggère que la défense compte mettre en lumière les circuits de validation financière pour diluer les responsabilités.
Au-delà du sort personnel de Constant Mutamba, ce procès constitue un test pour l’indépendance de la justice congolaise. La fermeté de la Cour de cassation face aux manœuvres dilatoires envoie un signal fort, mais la suite de la procédure dira si cette détermination résiste aux pressions politiques. Pour Félix Tshisekedi, qui avait fait de la lutte contre la corruption un axe majeur de sa gouvernance, l’issue de cette affaire revêt une dimension symbolique cruciale.
Les réactions passionnées de la défense, relayées par les médias, témoignent de l’attention portée par l’opinion publique congolaise à cette affaire. Dans un pays où la justice peine traditionnellement à s’affirmer face au pouvoir politique, le traitement de ce dossier fait figure de baromètre. Les Congolais observent avec attention si leurs institutions judiciaires peuvent effectivement s’attaquer aux puissants, condition sine qua non d’une véritable État de droit. L’enjeu dépasse donc largement la personne de Mutamba pour toucher aux fondements mêmes de la gouvernance démocratique en RDC.