Depuis plusieurs mois, les autorités congolaises mènent une enquête approfondie visant les réseaux financiers présumés liés à l’ancien président Joseph Kabila. Plusieurs arrestations et auditions ont eu lieu, ciblant notamment des personnalités influentes de l’ancien régime, souvent liées au secteur minier. L’objectif affiché : démanteler ce que certains au sein des services de sécurité qualifient de « cellules dormantes » de l’ère Kabila.
Parmi les personnalités ciblées figure Médard Palankoy, avocat spécialisé dans les affaires minières. Proche de l’homme d’affaires Dan Gertler, lui-même lié à Kabila, il défendait également Moïse Ekanga, ancien pilier du « contrat du siècle » sino-congolais. Ce dernier vit aujourd’hui en exil, mais reste considéré comme un maillon central du dispositif financier hérité de l’ancien président. Palankoy, lui, est détenu depuis plus de trois mois. Un autre avocat spécialisé est également en détention, mais son identité n’a pas été révélée par sa famille.
L’ex-ministre des Mines, Martin Kabwelulu, qui a dirigé ce portefeuille pendant plus de dix ans, a lui aussi été interrogé. Il est soupçonné d’implication dans la gestion ou l’octroi de concessions minières suspectées de graviter autour du clan Kabila. Ces figures illustrent une orientation claire de l’enquête : faire la lumière sur les connexions entre exploitation minière, enrichissement personnel et réseaux de pouvoir.
Mais la manière dont ces procédures sont menées suscite de vives critiques. Plusieurs sources rapportent que les personnes arrêtées sont, ou ont été, détenues dans les locaux du Conseil national de la cyberdéfense, une entité rattachée à la présidence mais dépourvue de toute base légale pour organiser des détentions. Cette dérive inquiète juristes et organisations de la société civile, qui dénoncent des atteintes aux droits fondamentaux.
L’enquête en cours s’inscrit dans un contexte plus large de remise en cause de l’héritage kabiliste, alors que la présidence de Félix Tshisekedi cherche à consolider son pouvoir à l’approche de prochaines échéances politiques. Si certains y voient une volonté de rétablir la transparence dans la gestion des ressources du pays, d’autres pointent une instrumentalisation de la justice à des fins de neutralisation politique.
Cette affaire met à l’épreuve la crédibilité de la justice congolaise. Pour convaincre de sa sincérité, le pouvoir devra garantir des procédures respectueuses du droit, sans recours à des structures parallèles. Dans un pays où les ressources minières attisent les convoitises et nourrissent les rivalités politiques, la transparence judiciaire et le respect des garanties fondamentales restent les seuls garde-fous contre l’arbitraire.