Constant Mutamba, ministre de la Justice en République démocratique du Congo, a remis sa démission dans un contexte explosif. Accusé de détournement de fonds publics et ciblé par une série de poursuites judiciaires, il a vu son immunité levée par l’Assemblée nationale. Cette démission marque l’épilogue brutal d’un mandat aussi court que controversé, à la tête d’un ministère central dans les ambitions de réforme du président Félix Tshisekedi.
Selon plusieurs médias congolais, la décision de Mutamba intervient après l’ouverture d’une enquête pour le détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani. Déjà frappé d’une interdiction de quitter Kinshasa, il risquait un mandat d’arrêt. En dénonçant un « complot politique », il a aggravé son isolement au sein du gouvernement, notamment après des attaques virulentes contre la Première ministre Judith Suminwa et le procureur général Firmin Mvonde, qu’il a accusés d’appartenir à un “réseau mafieux”.
Nommé en mai 2024, Mutamba incarnait une certaine volonté de rupture. Ancien candidat à la présidentielle de 2023 et fondateur du mouvement Nouvelle Génération pour l’émergence du Congo, il se voulait le chantre d’une justice indépendante et d’une gouvernance exemplaire. Mais ses ambitions se sont heurtées à une série d’affaires et à des conflits internes qui ont sapé sa crédibilité. Sa chute illustre les tensions qui traversent le pouvoir congolais, où les rivalités politiques se règlent souvent à coups de procédures judiciaires.
Au-delà du cas Mutamba, cette affaire met en lumière la fragilité des institutions judiciaires et l’instrumentalisation possible de la justice dans les luttes politiques. Elle intervient à quelques mois d’échéances politiques majeures, dans un climat de crispation. L’affaire pourrait affaiblir la position du président Tshisekedi, qui tente de contenir les critiques sur l’inefficacité de son appareil gouvernemental. Elle pourrait aussi raviver les clivages internes, notamment au sein de l’alliance au pouvoir.
Mutamba n’était pas un ministre discret. Il avait ouvert une enquête contre l’ancien président Joseph Kabila, soupçonné d’être lié à la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda. Il avait également ordonné la saisie de ses biens et lancé des poursuites contre Corneille Nangaa, figure de l’opposition armée. Sa rhétorique anti-rwandaise, jusqu’à promettre une récompense pour l’arrestation de Paul Kagame, avait fait de lui une cible dans la région. La presse note d’ailleurs la satisfaction à peine voilée des autorités rwandaises face à sa disgrâce.
Pour ses soutiens, Constant Mutamba paye le prix d’un engagement jugé trop frontal contre des intérêts puissants. Pour ses détracteurs, il incarne l’hypocrisie d’un discours anticorruption vite rattrapé par les pratiques qu’il dénonçait. Sa chute brutale pose une question : l’affaire Mutamba est-elle le symptôme d’un dysfonctionnement judiciaire structurel, ou le signe d’une tentative, même désordonnée, de rendre des comptes au sein de l’État congolais ? Seul un procès équitable permettra de trancher.