Dans une vidéo de trois minutes diffusée le 2 juin sur ses réseaux sociaux, Martin Fayulu a lancé un appel solennel à la nation, exprimant ses vives inquiétudes face à ce qu’il considère comme un péril imminent : la « balkanisation » de la République démocratique du Congo. L’opposant, candidat malheureux aux élections présidentielles de 2018 et 2023, estime que le pays traverse « les heures les plus sombres de son histoire » et accuse plusieurs figures politiques de contribuer à ce qu’il qualifie de désintégration nationale.
Martin Fayulu désigne nommément trois responsables qu’il rend comptables de la crise actuelle : Corneille Nangaa, chef du mouvement rebelle AFC/M23 ; l’ancien président Joseph Kabila, dont la présence à Goma est jugée suspecte ; et le président en exercice, Félix Tshisekedi. À Nangaa, il reproche sa complicité présumée dans les violences à l’Est du pays. À Kabila, il demande de rompre avec ceux qui, selon lui, déchirent la RDC. Quant à Tshisekedi, il l’appelle à ne pas entrer dans l’histoire comme le chef d’État sous lequel le pays se serait désagrégé.
Cette déclaration intervient dans un climat de grande instabilité sécuritaire, notamment dans la région du Kivu, où les affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 se poursuivent. Depuis plusieurs mois, Kinshasa accuse Kigali de soutenir militairement ces groupes armés, alimentant une crise diplomatique régionale. Dans ce contexte, les discours politiques prennent une charge particulière, car ils cristallisent l’anxiété d’une population épuisée par des décennies de conflit.
Fayulu affirme vouloir rencontrer directement le président Tshisekedi, non pas pour négocier une faveur, dit-il, mais pour un échange « direct et sincère ». Son message, bien que critique, a reçu un accueil positif du gouvernement, par la voix de son porte-parole Patrick Muyaya, qui a salué le « patriotisme » de l’opposant. Mais cette démarche a aussi révélé des divisions dans l’opposition. Hervé Diakese, porte-parole de Moïse Katumbi, y voit une tentative d’« opposition de connivence », opposée à une « opposition de rupture » plus ferme.
Appel à la responsabilité
La balkanisation de notre pays, que l’on redoute depuis 1960, n’est plus une menace lointaine : elle est en marche, à grands pas. Nous devons l’arrêter.
Refusons la fatalité. Choisissons la patrie. Construisons enfin cette cohésion nationale, fruit… pic.twitter.com/nGClDxcIRR
— Martin Fayulu (@MartinFayulu) June 2, 2025
Martin Fayulu soutient également l’initiative lancée par les églises pour l’organisation d’un forum national de réconciliation. Cette médiation religieuse, en attente de l’aval du président, pourrait offrir une plateforme neutre pour désamorcer les tensions. En ralliant publiquement cette initiative, Fayulu cherche à élargir le cadre du dialogue au-delà des cercles politiques traditionnels, dans l’espoir d’un sursaut national.
La tonalité du message de Fayulu tranche avec la radicalité qui lui est souvent associée. En choisissant de parler de dialogue, en pleine escalade des tensions dans l’Est, il pourrait chercher à se repositionner comme figure de consensus. Mais ses adversaires dénoncent une manœuvre pour se rapprocher du pouvoir, à l’approche d’éventuelles négociations politiques. Dans un paysage fragmenté entre opposition institutionnelle, opposition armée et dissidence interne, les intentions réelles du leader d’Ecidé restent l’objet d’interrogations.