Le mercredi 28 mai, la Cour d’appel de Conakry a confirmé la peine de deux ans de prison ferme infligée à l’opposant guinéen Aliou Bah, président du Mouvement démocratique libéral (Model). Il est accusé d’« offense et diffamation » envers le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya. Cette décision judiciaire, jugée politique par ses soutiens, suscite une vive indignation dans les rangs de l’opposition et parmi les défenseurs des droits humains.
Lors du procès en appel tenu le 22 avril, le procureur général avait requis cinq ans de prison, estimant la peine initiale « excessivement dérisoire ». En première instance, en janvier 2025, Aliou Bah avait déjà été condamné à deux ans. En détention depuis décembre 2024, il avait nié en bloc les accusations portées contre lui, affirmant ne pas reconnaître les faits. Selon ses avocats, les propos incriminés concernaient des critiques publiques contre l’inaction des chefs religieux et l’« incompétence » du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), l’organe militaire au pouvoir.
Cette affaire s’inscrit dans un climat de répression croissante en Guinée depuis le coup d’État militaire de septembre 2021. Le général Doumbouya, qui avait alors renversé le président Alpha Condé, s’était engagé à organiser une transition vers un régime civil, mais les échéances promises n’ont jamais été respectées. Les libertés fondamentales sont depuis systématiquement bafouées : manifestations interdites, médias suspendus, opposants traqués ou contraints à l’exil.
La confirmation de la condamnation d’Aliou Bah alimente les inquiétudes sur l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir militaire. Des responsables politiques en exil, comme Ibrahima Diallo, estiment que cette décision légitime leur fuite. Cheikh Sakho, membre du Model, a dénoncé un procès politique dicté par une « justice aux ordres ». L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH) parle d’un « triomphe de l’arbitraire », tandis qu’Amnesty International accuse le régime de tout faire pour étouffer la contestation.
En parallèle, deux figures de l’opposition, Oumar Sylla (Foniké Menguè) et Mamadou Billo Bah, portés disparus depuis juillet 2024, illustrent les dérives autoritaires du régime. La société civile guinéenne, étranglée, voit ses voix les plus critiques réduites au silence, dans un contexte où l’exil ou la disparition sont devenus les seules issues pour éviter la répression.
La tenue d’un référendum constitutionnel est annoncée pour le 21 septembre prochain, mais la crédibilité du processus reste douteuse. Alors que la junte avait promis une transition démocratique avant fin 2024, aucun calendrier électoral n’a été respecté. Cette condamnation d’un opposant emblématique résonne comme un avertissement : le régime militaire semble décidé à verrouiller la parole publique jusqu’à nouvel ordre.