Le 20 février 2025, la France a officiellement annoncé le retrait de sa base militaire de Port-Bouët, située en Côte d’Ivoire. Toutefois, cet acte de rétrocession est loin d’être perçu comme une réelle rupture avec le passé colonial, selon l’écrivain et analyste ivoirien Sylvain Takoué. Pour lui, cette décision n’est qu’une façade tant que les accords stratégiques de coopération de 1961, qui régissent les relations militaires entre la France et la Côte d’Ivoire, restent en vigueur. Ces accords, jugés “injustes” par Takoué, sont considérés comme un vestige du colonialisme et continuent de marquer les rapports entre les deux nations.
Sylvain Takoué affirme que tant que ces accords ne sont pas officiellement dénoncés ou abrogés, la Côte d’Ivoire restera, selon lui, un simple “bien” appartenant à la France. Il souligne que ce traité de 1961, signé sous l’égide de la France, confère à l’ex-puissance coloniale un pouvoir d’influence considérable sur les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire, notamment dans le domaine militaire et économique. À ses yeux, ce retrait de la base de Port-Bouët ne représente qu’une manœuvre symbolique, qui n’entraîne aucune véritable remise en question du contrôle de la France sur le pays.
Les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines, notamment la Côte d’Ivoire, ont toujours été marquées par des accords bilatéraux inégaux, héritages du colonialisme. Les accords de 1961, signés après l’indépendance de la Côte d’Ivoire, ont permis à la France de maintenir une présence militaire et d’influencer les décisions politiques du pays. Bien que la Côte d’Ivoire ait accédé à l’indépendance, la continuité de cette relation asymétrique a laissé des traces profondes dans la perception de la souveraineté du pays. L’annonce de la rétrocession de Port-Bouët intervient dans un contexte de redéfinition des relations franco-africaines, marqué par une montée de la contestation sur l’influence de l’ancienne puissance coloniale.
L’avenir des relations entre la France et la Côte d’Ivoire semble dépendre de la volonté des autorités ivoiriennes de réévaluer les accords de 1961. Sylvain Takoué et d’autres observateurs estiment qu’une véritable indépendance de la Côte d’Ivoire passe par la fin de ce cadre juridique et militaire, qui, selon eux, continue de priver le pays d’une pleine souveraineté. Si ces accords sont abrogés, cela pourrait marquer un tournant dans les relations bilatérales et permettre à la Côte d’Ivoire de renforcer ses liens avec d’autres puissances mondiales sur un pied d’égalité.
Certains experts estiment que la décision de la France de quitter Port-Bouët pourrait symboliser un changement de paradigme dans la coopération militaire en Afrique. Cependant, pour d’autres, comme Sylvain Takoué, ce geste ne constitue pas un véritable renversement du rapport de forces. En effet, bien que la base soit retirée, la France pourrait conserver une influence stratégique dans la région à travers d’autres accords militaires ou économiques. Il est également important de noter que d’autres pays africains, comme le Mali ou le Burkina Faso, ont récemment remis en question la présence militaire française sur leur sol, ce qui pourrait accélérer la révision des relations entre l’Afrique et ses anciennes puissances coloniales.
Des leaders africains, notamment des mouvements pan-africanistes, voient dans ce retrait une victoire symbolique mais rappellent que de véritables changements doivent passer par une refonte des accords économiques et militaires hérités du colonialisme. Selon ces acteurs, l’Afrique d’aujourd’hui ne peut plus être traitée sur un pied d’infériorité. Des experts en géopolitique ajoutent que les tensions entre la France et certains États africains pourraient ouvrir la voie à une coopération plus équilibrée, où l’Afrique pourrait jouer un rôle plus influent dans les décisions politiques et stratégiques internationales.