Source: Xinhua
Le pont de Crimée, une infrastructure clé et symbolique qui relie la Russie à la péninsule annexée en 2014 au détriment de l’Ukraine, a été partiellement détruit samedi par une énorme explosion attribuée par Moscou à un camion piégé.
Après avoir pu sembler, par un tweet ironique samedi matin, reconnaître à demi-mot une attaque ukrainienne, le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak a renvoyé plus tard vers une piste russe, avançant que cette explosion était le résultat d’une lutte interne entre le FSB (services spéciaux russes) et les militaires russes.
Dans son allocution du soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas fait de déclaration sur cette explosion. Il s’est contenté de dire, en évoquant la péninsule annexée : Malheureusement, c’était nuageux en Crimée.
Les images de vidéosurveillance diffusées sur les réseaux sociaux ont montré une puissante explosion au moment où plusieurs véhicules circulaient sur le pont, dont un camion que les autorités russes soupçonnent d’être à l’origine de la déflagration. Sur d’autres clichés, on peut voir un convoi de wagons-citernes en flammes sur la partie ferroviaire du pont ainsi que deux travées d’une des deux voies routières effondrées.
Trois morts
Selon les enquêteurs, l’attaque survenue au petit matin a fait trois morts, soit le conducteur du camion et deux personnes – un homme et une femme – qui se trouvaient dans une voiture juste à proximité lors de la déflagration et dont les corps ont été retirés des eaux.
Au moins trois personnes ont été tuées dans l'explosion qui a endommagé le pont de Crimée. Ce pont, construit sur ordre de Vladimir Poutine, relie la péninsule annexée au territoire russe.#russie #ukraine #explosion pic.twitter.com/bKGkFvxUFW
— Radio-Canada Info (@RadioCanadaInfo) October 8, 2022
Les autorités de la Crimée ont annoncé dans l’après-midi que la circulation avait repris pour les voitures et les bus sur la seule voie routière du pont restée intacte. Les poids lourds feront désormais la traversée sur des ferrys. Le trafic ferroviaire devait être restauré dans la soirée. Un opérateur de la ligne a indiqué que deux trains avaient démarré à destination de Moscou et Saint-Pétersbourg.
Le Comité d’enquête a affirmé avoir établi l’identité du propriétaire du camion piégé, un habitant de la région de Krasnodar, dans le sud de la Russie, et que des investigations étaient en cours.
Ce pont en béton, construit à grands frais sur ordre de Vladimir Poutine pour relier la péninsule annexée au territoire russe, sert notamment au transport d’équipements militaires de l’armée russe qui combat en Ukraine.
Si l’Ukraine est à l’origine de l’incendie et de l’explosion sur le pont de Crimée, le fait qu’une infrastructure aussi cruciale et aussi loin du front puisse être endommagée par les forces ukrainiennes serait un camouflet pour Moscou.
La Crimée. Le pont. Le commencement. Tout ce qui est illégal doit être détruit, tout ce qui a été volé doit être rendu à l’Ukraine, avait commenté dans la matinée sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Dans un communiqué diffusé plus tard par la présidence, il a cependant attribué l’explosion à une lutte interne entre le FSB et l’armée russe.
Il convient de noter que le camion qui a explosé, selon toutes les indications, est entré sur le pont depuis le côté russe. C’est donc en Russie qu’il faut chercher les réponses […]. Tout cela indique sans aucun doute une piste russe, a-t-il déclaré.
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a cependant dit estimer que les réactions à Kiev montrent la nature terroriste des autorités ukrainiennes.
L’armée russe, en difficulté sur le front de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, a quant à elle assuré que l’approvisionnement de ses troupes n’était pas menacé. Le ravitaillement […] s’effectue de manière continue et complète le long d’un couloir terrestre et partiellement par voie maritime, a-t-elle annoncé.
L’Ukraine a frappé plusieurs ponts dans la région de Kherson ces derniers mois afin de perturber l’approvisionnement russe, de même que des bases militaires en Crimée, des attaques pour lesquelles elle n’a reconnu de responsabilité que plusieurs mois plus tard.
Vandales ukrainiens
Si Moscou s’est pour le moment gardé d’accuser directement l’Ukraine, le chef du Parlement régional installé par la Russie, Vladimir Konstantinov, a dénoncé un coup des vandales ukrainiens.
Le dirigeant de la péninsule, Sergueï Aksionov, s’est quant à lui efforcé d’être rassurant en affirmant que la Crimée disposait de réserves de carburant pour un mois et de nourriture pour deux mois.
Selon un responsable de l’occupation russe dans la région ukrainienne de Kherson, voisine de la Crimée, Kirill Stremooussov, les réparations pourraient prendre deux mois.
La Russie a toujours affirmé que le pont ne risquait rien en dépit des combats en Ukraine, mais elle a déjà menacé Kiev de représailles si les forces ukrainiennes devaient attaquer ce pont ou d’autres infrastructures en Crimée.
Le député russe Oleg Morozov, cité par l’agence Ria Novosti, a réclamé samedi une riposte adéquate, sinon ce type d’attentat terroriste va se multiplier, a-t-il dit.
Un revers de plus pour la Russie
Depuis début septembre, les forces russes ont été obligées de reculer sur de nombreux points du front. Elles ont notamment été obligées de se retirer de la région de Kharkiv et de reculer dans celle de Kherson.
Aux prises avec une armée ukrainienne galvanisée et forte des approvisionnements en armes occidentales, Vladimir Poutine a décrété fin septembre la mobilisation de centaines de milliers de réservistes et l’annexion de quatre régions ukrainiennes, bien que Moscou ne les contrôle que partiellement.
Le seul champ de bataille où les forces russes ont actuellement l’avantage est aux abords de la ville de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine.
Signe du mécontentement en haut lieu sur la conduite des opérations, Moscou a annoncé samedi avoir nommé un nouvel homme à la tête de son opération militaire spéciale en Ukraine, le général Sergueï Sourovikine, 55 ans.
Enfin, la centrale nucléaire de Zaporijjia, au centre d’un bras de fer depuis des mois dans le sud de l’Ukraine, qui a nécessité son arrêt, a de nouveau perdu sa source d’alimentation électrique externe en raison de bombardements et s’appuie sur des générateurs d’urgence, a alerté samedi l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont une mission est sur place.