Le Conseil européen a inscrit Nathalie Yamb sur sa liste des personnes sanctionnées pour atteinte à la sécurité de l’Union. L’activiste helvético-camerounaise est désormais interdite d’entrée sur le territoire européen, et ses avoirs sont gelés dans tous les États membres. Bruxelles l’accuse d’entretenir des liens avec des structures liées à Moscou et de contribuer à des campagnes de désinformation visant à déstabiliser l’espace européen.
La décision, publiée le 26 juin 2025 au Journal officiel de l’UE, accuse explicitement Nathalie Yamb de soutenir des initiatives du gouvernement russe, notamment à travers la diffusion de récits favorables à Moscou et critiques envers l’Occident, en particulier la France. L’UE pointe son rôle dans la diffusion de discours menaçant « la démocratie, la stabilité et la sécurité » sur le continent. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre plus large d’un dispositif européen mis en place depuis octobre 2024 pour contrer les « menaces hybrides » russes, notamment les campagnes de désinformation. Yamb rejoint ainsi une liste noire sur laquelle figurent déjà plusieurs relais supposés de l’influence russe.
Âgée de 55 ans, Nathalie Yamb s’est imposée comme une figure médiatique du discours panafricaniste anti-occidental. Avec plus d’un million d’abonnés sur les réseaux sociaux, elle s’adresse directement à une jeunesse africaine sensible aux critiques contre la Françafrique et le franc CFA. Son expulsion de Côte d’Ivoire en 2019 pour « activités subversives », sa participation au sommet Russie-Afrique en 2019, et sa présence lors des référendums organisés par la Russie dans l’est de l’Ukraine en 2022 ont renforcé son image d’opposante radicale aux puissances occidentales. Ces prises de position lui ont toutefois valu des accusations de proximité idéologique avec Moscou, voire de complicité avec les opérations d’influence russes sur le continent.
L’UE justifie ses sanctions par la nécessité de protéger l’espace européen contre les ingérences étrangères. Mais en s’attaquant frontalement à une militante très populaire, elle prend le risque de renforcer l’aura de martyr de Nathalie Yamb auprès de ses partisans. Ce geste pourrait être perçu, en Afrique comme ailleurs, comme une tentative de bâillonner une voix dissidente, alimentant encore davantage le discours d’une Europe néocoloniale et liberticide. Certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer une atteinte à la liberté d’expression sous couvert de lutte contre la désinformation.
Alors que les réactions abondent sur les réseaux sociaux, oscillant entre soutien inconditionnel et condamnation virulente, Nathalie Yamb reste silencieuse. Un mutisme qui tranche avec son activité numérique habituelle et que certains interprètent comme une pause stratégique avant une éventuelle contre-attaque médiatique. Des observateurs évoquent déjà la possibilité que d’autres figures du panafricanisme radical, comme Kémi Séba ou Alain Foka, soient également ciblées prochainement, dans un contexte de durcissement de la politique européenne envers les relais d’influence russes en Afrique.
Cette affaire illustre l’intensification d’une guerre d’influence entre puissances étrangères sur le continent africain. Alors que la Russie renforce sa présence symbolique, militaire et médiatique, l’Union européenne tente de contenir son recul diplomatique, notamment en Afrique francophone. En ciblant Nathalie Yamb, l’UE veut envoyer un signal fort. Mais ce faisant, elle met en lumière l’impasse d’une diplomatie de la répression symbolique face à des mouvements de contestation populaires enracinés dans des réalités historiques et sociales profondes.
Au-delà de la figure de Nathalie Yamb, cette sanction soulève des interrogations plus larges sur la liberté d’expression, les nouveaux relais d’influence, et la souveraineté informationnelle des pays africains. Pour les citoyens du continent, l’enjeu n’est pas de prendre parti pour ou contre Yamb, mais de comprendre les logiques de pouvoir à l’œuvre derrière ces sanctions. Car si les accusations contre l’activiste sont graves, leur instrumentalisation possible l’est tout autant. Ce qui est en jeu, c’est la capacité des sociétés africaines à discerner entre engagement sincère, propagande étrangère et contrôle informationnel.