Depuis le 14 mars, une vidéo choquante montrant Meizah, une chanteuse malgache, victime d’abus sexuels, fait le tour des réseaux sociaux à Madagascar. La diffusion de cette vidéo a rapidement pris une ampleur nationale, provoquant une réaction du gouvernement face à la propagation de cette affaire sur les plateformes numériques. Le harcèlement en ligne dont Meizah est l’objet a amplifié la violence de son traumatisme, tandis que les commentaires accablants visent à culpabiliser la victime. Cette affaire soulève également des questions sur la culture du viol et la responsabilité des réseaux sociaux dans sa diffusion.
Les événements remontent à septembre 2022, lorsque Meizah, une artiste de 31 ans bien connue dans le pays, quitte un bar karaoké à Antananarivo, visiblement alcoolisée. Elle est alors filmée à son insu dans une voiture, inconsciente, subissant un viol commis par deux hommes. Ce n’est que plusieurs mois après que la victime reçoit la vidéo anonyme de l’agression, sans souvenir de ce qui s’était passé la nuit de l’incident. Depuis cette découverte, Meizah a été confrontée au chantage des agresseurs qui menaçaient de publier la vidéo, jusqu’à ce qu’elle apparaisse enfin en ligne en mars 2025.
Dès la mise en ligne de la vidéo, les réseaux sociaux ont déchaîné une vague de commentaires violents, critiquant Meizah pour son état d’ébriété et pour ce qu’ils considèrent comme une attitude « provocatrice ». Nombreux sont ceux qui rejettent la responsabilité sur la victime, comme en témoignent certains propos tels que « cela aurait pu être évité avec plus de retenue ». Une situation qui met en lumière la culpabilisation des victimes de viol dans la société malgache. Meizah, elle, refuse cette vision et souligne qu’à ce moment-là, elle n’était même pas capable de bouger ni de dire non, insistant sur le fait qu’aucune personne n’a le droit d’abuser de quelqu’un sans son consentement.
Face à la gravité de la situation, le gouvernement malgache a réagi, notamment à travers le ministère de la Communication qui a rappelé les lois concernant la diffusion de contenu pornographique et violente. Dans un communiqué publié le 18 mars, le ministère a mis en garde les internautes contre le partage de cette vidéo, avertissant que ce geste pouvait entraîner une amende de 6 millions d’ariary (environ 1180 euros). La prise de position des autorités a été un appel à la responsabilité sur les réseaux sociaux, qui jouent un rôle majeur dans la propagation de la culture du viol, particulièrement sur Facebook, qui reste le principal canal de communication à Madagascar.
Marie-Christina Kolo, fondatrice du mouvement féministe Women Break the Silence, dénonce quant à elle le rôle amplificateur des réseaux sociaux dans cette affaire. Selon elle, ces plateformes deviennent des lieux où les discours haineux et violents se propagent rapidement, et ce, souvent sans qu’aucune réelle sanction ne soit appliquée. Elle souligne que cette situation n’est pas isolée, mais fait écho à un problème sociétal plus vaste : l’acceptation de la culture du viol. Le soutien aux victimes sur ces plateformes se heurte souvent à un discours public dégradant et culpabilisant, surtout envers les femmes.
Dans un contexte où de nombreuses voix se lèvent pour dénoncer la stigmatisation des victimes de viol, le rôle des mouvements féministes devient crucial. Ils offrent un espace d’accompagnement et de soutien pour les victimes, en les rassurant face aux attaques en ligne. « Vous n’êtes pas seules », affirment ces collectifs, qui œuvrent pour briser le silence autour des violences sexuelles. Toutefois, il reste à savoir si ces prises de position publiques et les initiatives législatives pourront réellement changer les mentalités et freiner l’impunité des agresseurs. La société malgache, tout comme ses institutions, devra encore longtemps lutter contre cette tragique culture du viol.