Pour la première fois, des architectes venus de tout le continent africain se sont réunis à Dakar du 22 au 24 mai à l’occasion d’un symposium inédit. L’objectif : repenser l’urbanisation africaine autour du thème « Repenser les villes africaines pour une perspective durable ». En trois jours, une centaine de professionnels ont échangé sur les défis communs et adopté une déclaration finale assortie de recommandations adressées aux gouvernements du continent.
Les discussions ont porté sur les dérives liées à la croissance rapide des villes africaines : spéculation foncière incontrôlée, étalement urbain anarchique, pollution, congestion. Architectes, urbanistes et promoteurs ont confronté leurs expériences, dans une série de tables rondes. « C’est une occasion exceptionnelle », confie Angela Mingas, architecte angolaise. « Malgré nos différences, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes : une ville héritée de la colonisation et des périphéries mal intégrées. Ce symposium permet d’échanger des solutions concrètes. »
L’Afrique connaît une urbanisation parmi les plus rapides au monde. Mais ce développement s’appuie souvent sur des modèles hérités de l’époque coloniale, peu adaptés aux réalités actuelles. Les centres-villes restent figés dans une logique administrative et marchande, tandis que les périphéries absorbent une population en constante croissance, sans infrastructures adéquates. À cela s’ajoute l’absence de régulation foncière, qui favorise les spéculateurs au détriment des planificateurs, comme le souligne Baba Seck Bali, promoteur malien.
La déclaration finale appelle les États africains à repenser les politiques urbaines, à renforcer la formation des architectes locaux, à intégrer les enjeux climatiques dans la conception des villes et à maîtriser le foncier. Un consensus émerge sur la nécessité de penser des modèles africains d’urbanisme, adaptés aux contextes locaux mais fondés sur une vision commune. Les participants envisagent de créer un réseau permanent pour poursuivre les échanges au-delà du symposium.
Cette rencontre a aussi favorisé le dialogue entre différents acteurs du développement urbain. Les architectes présents ont plaidé pour un rôle accru dans les décisions publiques et une meilleure reconnaissance de leur expertise. En face, des promoteurs et représentants des autorités ont pris note des propositions. Tous reconnaissent l’urgence d’une réforme structurelle de l’urbanisme, qui inclurait les citoyens et limiterait les logiques spéculatives.
Le symposium de Dakar pourrait bien devenir un rendez-vous régulier. L’idée d’une conférence continentale itinérante a été évoquée, avec pour ambition de structurer une véritable pensée urbaine africaine. À l’heure où les mégalopoles du continent se transforment à vive allure, cette initiative apparaît comme un premier pas vers une prise de conscience collective.