Le 13 avril 2025, une décision surprenante a secoué l’opinion publique tchadienne : Abdelrahim Bahar Mahamat Itno, général 5 étoiles et cousin du président Mahamat Idriss Déby Itno, a été rétrogradé au rang de simple soldat de 2e classe, avant d’être radié de l’armée pour « faute grave ». L’annonce officielle a été relayée sur les réseaux sociaux par le Secrétariat général du gouvernement, mais c’est un message vocal d’Abdelrahim, diffusé dans un groupe WhatsApp, qui a jeté un éclairage supplémentaire sur cette sanction. Dans cet enregistrement, le général dénonçait un pouvoir « corrompu » et appelait sa famille à renverser le régime.
Cette dégradation ne constitue pas un cas isolé. Il s’agit en effet de la troisième ou quatrième fois qu’un membre du clan Itno, le noyau dur du pouvoir au Tchad, défie ouvertement Mahamat Idriss Déby Itno, avec des conséquences dramatiques. Selon le sociologue Gondeu Ladiba, cette sanction est aussi un signe de la crise profonde qui secoue le clan au pouvoir. La rétrogradation d’Abdelrahim, passé du rang de général 5 étoiles à soldat de 2e classe, symbolise la perte d’influence d’une partie des Itno, autrefois au sommet de la hiérarchie militaire et économique du pays. La redistribution des ressources et du pouvoir, notamment dans des secteurs clés comme les transports et l’orpaillage, a exacerbé les mécontentements internes.
Depuis la mort du président Idriss Déby en avril 2021, son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, a hérité du pouvoir et s’est installé à la tête du pays. Cependant, les divisions au sein du clan Itno, en particulier les rivalités internes, sont devenues de plus en plus visibles. La guerre civile au Soudan, qui dure depuis avril 2023, a également exacerbé les tensions, notamment au sein des Forces de défense et de sécurité. Les autorités tchadiennes, dans une volonté de maintenir l’unité de leur armée, ont dû gérer les défections au profit de généraux soudanais comme al-Burhan, un défi direct pour la stabilité interne du Tchad.
Le chercheur Laurent Marchal souligne que cette dégradation d’Abdelrahim Bahar Mahamat Itno est également un message fort à l’adresse des membres de l’armée et des élites proches du pouvoir, leur signifiant que toute tentative de défection ou d’allégeance à des factions rivales sera impitoyablement sanctionnée. Dans un contexte où la guerre au Soudan dure depuis plus d’un an et où la situation sécuritaire en Darfour se détériore, le président Déby cherche à renforcer son contrôle sur l’armée et à éviter tout risque de transfert de troupes tchadiennes vers le Darfour.
Les tensions internes sont particulièrement visibles au sein de l’armée, où des dissensions commencent à émerger. Des analystes estiment que la guerre en Darfour, en plus d’alimenter des rivalités régionales, a un impact direct sur les dynamiques de pouvoir au Tchad. Le gouvernement de Mahamat Idriss Déby Itno semble déterminé à conserver la mainmise sur les forces armées, notamment en sanctionnant sévèrement toute déviation, même parmi ses proches. Dans cette lutte pour le contrôle de l’appareil d’État, la dégradation d’un membre influent de la famille Itno pourrait marquer le début d’un changement de direction, avec des conséquences à long terme pour la stabilité du pays.
Pour les observateurs, la sanction d’Abdelrahim Bahar Mahamat Itno pourrait être perçue comme un avertissement à toute personne au sein du clan Itno qui envisagerait de défier l’autorité de Mahamat Idriss Déby Itno. La redistribution des pouvoirs économiques et militaires semble avoir fragilisé une partie de la famille du président, et ce, dans un contexte régional instable. Si cette situation de crise perdure, elle pourrait remettre en question la légitimité du pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, tout en alimentant de nouvelles tensions au sein de l’armé.