Les chefs rebelles centrafricains Abakar Sabone et Mahamat Al-Khatim, détenus à N’Djamena depuis avril 2024, ont été libérés cette nuit (du lundi au mardi 4 mars) après onze mois d’incarcération. Leur remise en liberté a eu lieu de manière aussi soudaine que leur arrestation, sans qu’aucune explication officielle ne leur soit fournie. Selon leurs proches, les deux hommes ont été escortés chez eux par les services de renseignement tchadiens (ANSE) dans la nuit, mettant fin à une détention marquée par une cellule exigüe avant leur transfert dans une villa de N’Djamena.

Abakar Sabone et Mahamat Al-Khatim avaient été arrêtés après avoir dénoncé publiquement, en avril 2024, un détournement de fonds en lien avec la médiation angolaise dans la crise centrafricaine. Lors d’une interview sur RFI, les deux leaders de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) avaient révélé que plusieurs milliards de francs CFA, destinés à leurs leaders, avaient été détournés par des responsables tchadiens, notamment Ahmed Kogri, l’ex-chef de l’ANSE, désormais à la présidence tchadienne. Cette accusation de corruption, dénoncée dans un contexte déjà tendu entre le Tchad et la Centrafrique, avait provoqué leur arrestation.
Le climat entre le Tchad et la Centrafrique est marqué par des tensions récurrentes, exacerbées par des allégations de détournement de fonds destinés à des médiations internationales. Depuis la mise en place de la médiation de l’Angola, les relations entre ces deux pays ont connu des hauts et des bas. La situation s’est compliquée lorsque des accusations de mauvaise gestion des fonds ont émergé, touchant directement les intérêts de certains acteurs politiques tchadiens et centrafricains. Le rôle de l’Angola, en tant que médiateur, a été remis en question, d’autant que les versements de fonds aux rebelles ont cessé, exacerbant encore plus les tensions.
Cette libération inattendue soulève des questions sur les relations futures entre les rebelles centrafricains et le gouvernement tchadien. La diplomatie angolaise pourrait se retrouver dans une position délicate, avec la médiation qu’elle mène entre les belligérants centrafricains déjà remise en cause. Les fonds angolais destinés aux rebelles n’ayant pas été réactivés jusqu’à présent, il est possible que cette situation affecte davantage les négociations de paix en Centrafrique. En outre, la gestion de ces tensions pourrait aussi peser sur les relations diplomatiques futures entre le Tchad, la Centrafrique et l’Angola.
Certains analystes estiment que cette arrestation pourrait être liée à une lutte interne au sein des institutions tchadiennes, notamment dans les sphères sécuritaires. Les allégations de détournement de fonds par des personnalités de l’ANSE, notamment l’ex-chef Ahmed Kogri, avaient en effet des ramifications politiques importantes, et la dénonciation publique des rebelles pourrait avoir mis en lumière des rivalités au sein du gouvernement tchadien. Pour l’heure, aucun éclaircissement n’a été donné concernant les motivations de cette libération, mais l’impact sur la scène politique et diplomatique reste à observer.
La libération des deux chefs rebelles a suscité des réactions diverses. Des voix s’élèvent, aussi bien du côté des partisans de la CPC que des observateurs internationaux, sur la manière dont ces événements illustrent les tensions internes et internationales autour de la gestion de la crise centrafricaine. Si certains saluent cette mesure comme un pas vers la réconciliation, d’autres estiment qu’elle est insuffisante sans une clarification des accusations de détournement et sans une reprise effective des aides financières promises par l’Angola.