L’implication du président tchadien Mahamat Déby au sein du Mouvement patriotique du salut (MPS) suscite de vives critiques de l’opposition. Certains leaders politiques invoquent l’article 77 de la Constitution, qui interdit au chef de l’État d’occuper une fonction au sein d’un parti politique. Cette disposition vise à garantir l’impartialité de la présidence et à éviter toute confusion entre l’État et une formation politique.
Dans un geste surprenant, Mahamat Déby a salué l’opposant Succès Masra, leader des Transformateurs, pour la main qu’il lui a tendue, affirmant être « prêt à travailler avec lui ». Cette déclaration a été accueillie avec enthousiasme par les cadres du MPS, une scène inimaginable il y a encore quelques jours, comme l’a souligné notre correspondant à N’Djamena. Pourtant, jusqu’à récemment, Succès Masra revendiquait encore sa victoire à la présidentielle de mai 2024 et exigeait une nouvelle transition politique après les législatives de décembre 2025, qu’il appelait à boycotter.
Succès Masra justifie son rapprochement par une « nouvelle donne » instaurée par le président Déby dans son discours du 22 janvier 2024, où il appelait à l’unité nationale. Il affirme « renoncer à une guerre de couronnement pour le bien du peuple tchadien » et reconnaît que le président « ne peut pas gouverner seul ». Selon lui, il est impératif d’éviter une fracture politique qui mettrait en péril la stabilité du pays.
Pour le sociologue Ladiba Gondeu, cette initiative est « courageuse », compte tenu du fait que Mahamat Déby contrôle l’ensemble des leviers du pouvoir. Cependant, il souligne une opacité persistante : les accords entre Succès Masra et Mahamat Déby, à l’instar de ceux passés à Kinshasa en novembre 2023, n’ont jamais été rendus publics dans leur intégralité. Cette absence de transparence complique l’évaluation de leurs véritables implications politiques.
Ce rapprochement marque un tournant dans la politique tchadienne et pourrait redéfinir les rapports de force. Reste à savoir s’il s’agit d’un réel engagement vers une gouvernance inclusive ou d’un calcul politique destiné à apaiser les tensions. L’avenir de cette alliance demeure incertain et dépendra des actes concrets posés par les deux protagonistes dans les mois à venir.