Succès Masra, figure majeure de l’opposition tchadienne et ancien Premier ministre de transition, a comparu ce 6 août devant la chambre criminelle de la Cour d’appel de N’Djaména. Il est accusé d’avoir diffusé des propos à caractère raciste et xénophobe, d’être impliqué dans des assassinats, des actes de complicité et des associations de malfaiteurs. Ce procès, aux allures de règlement de comptes politique, suscite déjà des inquiétudes parmi les défenseurs des droits humains.
Le renvoi de Masra devant la chambre criminelle a été décidé le 30 juillet par la chambre d’accusation. Son avocat, Me Saïd Larifou, membre du barreau de Moroni, dénonce une procédure qu’il juge vide de preuves tangibles. Selon lui, ni éléments matériels ni témoignages crédibles ne permettent de justifier les poursuites. Il qualifie l’affaire d’« arbitraire » et demande aux autorités judiciaires de respecter les principes élémentaires du droit à un procès équitable.
Ce procès intervient dans un contexte de crispation politique. Après avoir quitté son poste de Premier ministre de transition, Masra a repris sa posture d’opposant en appelant à des réformes démocratiques. Sa mise en cause intervient peu après les violences meurtrières du 14 mai à Mandakao, dans le Logone Occidental, qui ont fait 76 morts selon les chiffres officiels. Le procureur l’accuse alors d’avoir incité à la haine, fomenté des troubles et soutenu des bandes armées.
Ce procès est loin d’être anodin pour l’équilibre politique du Tchad. Il intervient à un moment où les tensions entre pouvoir et opposition sont vives, et où les institutions de transition sont en perte de légitimité. Des observateurs estiment que cette affaire pourrait accentuer la fracture politique et compromettre les efforts de stabilisation dans un pays encore marqué par des années de conflits internes.
L’ouverture du procès s’est faite dans des conditions de sécurité extrêmes. La Cour suprême de N’Djaména est sous haute protection, les journalistes sont maintenus à distance et les audiences se déroulent dans un climat d’opacité. Cette mise à l’écart de la presse renforce les suspicions d’un procès à charge, où la transparence et le droit à une défense équitable seraient relégués au second plan.
Plusieurs organisations de la société civile, tant au Tchad qu’à l’international, appellent à la libération de Masra et dénoncent une instrumentalisation de la justice. Me Larifou a exhorté les partenaires du Tchad à rester vigilants et à faire pression pour que les droits de son client soient respectés. À ses yeux, cette affaire est un test pour la crédibilité de l’État de droit dans un pays encore fragile.