L’ancien Premier ministre tchadien et figure de l’opposition Succès Masra a été renvoyé devant la chambre criminelle par la chambre d’accusation de N’Djaména le 30 juillet dernier. Cette décision judiciaire fait suite à son arrestation à son domicile et aux accusations portées contre lui dans le cadre des violences survenues le 14 mai à Mandakao, dans la province du Logone Occidental.
Le procureur de la République de N’Djaména a formellement mis en cause Succès Masra pour des faits particulièrement graves : incitation à la haine et à la révolte, constitution et complicité de bandes armées, complicité d’assassinat, incendie volontaire et profanation de sépulcres. Ces accusations, toutes liées aux événements tragiques du 14 mai dans la province du Logone Occidental, constituent un arsenal judiciaire lourd qui pourrait valoir à l’opposant plusieurs années de prison en cas de condamnation.
Succès Masra occupe une position particulière dans l’échiquier politique tchadien. Après avoir assumé les fonctions de Premier ministre de transition sous Mahamat Idriss Déby, il a retrouvé son statut d’opposant et multiplie les appels en faveur de réformes démocratiques. Cette trajectoire politique singulière, passant du pouvoir à l’opposition, en fait une figure incontournable mais également surveillée du paysage politique national. Le Tchad traverse depuis plusieurs années une période de transition politique délicate, marquée par des tensions récurrentes entre les autorités et les mouvements d’opposition.
Cette affaire judiciaire risque d’exacerber les tensions politiques dans un pays déjà fragilisé par l’instabilité. Le procès de Succès Masra pourrait devenir un test de crédibilité pour le système judiciaire tchadien, scruté de près par la communauté internationale. Les prochaines étapes procédurales détermineront si cette affaire contribuera à apaiser ou à envenimer davantage le climat politique national, dans un contexte où le processus de transition démocratique reste fragile.
La défense de Succès Masra, menée par Me Saïd Larifou, avocat au barreau de Moroni aux Comores, conteste vigoureusement la régularité de la procédure. Dans un communiqué à la presse, l’avocat dénonce un dossier “dénué de preuves matérielles ou de témoignages crédibles” et qualifie les poursuites d'”arbitraires”. Il accuse ouvertement les autorités judiciaires d’agir sous pression politique, transformant cette affaire en symbole des tensions entre justice et pouvoir politique.
Me Larifou a également saisi l’opinion internationale en appelant à la vigilance des partenaires du Tchad et des organisations de défense des droits humains. Cette stratégie de communication vise à internationaliser l’affaire et à exercer une pression diplomatique sur les autorités tchadiennes. L’avocat exige des juridictions nationales qu’elles garantissent pleinement les droits de la défense, soulignant les enjeux démocratiques qui dépassent le simple cadre judiciaire de cette affaire.