Ce jeudi 18 juillet, les Togolais sont appelés aux urnes pour élire leurs 1 527 conseillers municipaux. Mais l’enjeu électoral semble relégué au second plan : c’est le climat politique explosif, cristallisé autour du « Mouvement du 6-Juin », qui capte l’attention. Portée par une jeunesse mobilisée et une figure émergente, le rappeur Aamron, cette contestation vise frontalement le régime en place, en dénonçant les arrestations politiques, la vie chère et, surtout, la récente réforme constitutionnelle qui consolide le pouvoir de Faure Gnassingbé.
La réforme du 19 avril a transformé le poste présidentiel en une fonction de président du Conseil des ministres, sans limitation de mandats, offrant à Faure Gnassingbé un nouveau levier pour s’accrocher au pouvoir. Cette évolution institutionnelle, perçue par de nombreux Togolais comme une manœuvre pour pérenniser la domination d’un clan, a réveillé une colère sociale latente. Arrestations arbitraires, hausse des prix de l’électricité, étouffement des libertés : autant de griefs qui alimentent un rejet profond du système en place.
Depuis 1967, le Togo vit sous la coupe des Gnassingbé. D’abord sous le règne d’Eyadema père, puis, depuis 2005, sous celui de son fils Faure, reconduit élection après élection dans un climat que les observateurs qualifient régulièrement de non transparent. Les partis d’opposition, nés dans les années 1990, ont été réduits à l’impuissance par une répression continue, marquée par des arrestations, des intimidations et une absence totale de justice pour les victimes.
Les précédentes mobilisations ont été violemment réprimées, et la société civile accuse les forces de sécurité d’avoir causé la mort d’au moins sept manifestants. Le gouvernement, lui, parle de noyades accidentelles et accuse les opposants de manipulation. Malgré les promesses de sécurité et la fermeture temporaire des frontières pour encadrer le scrutin, la crainte d’un nouveau déchaînement de violences plane sur ces journées décisives. Le ministre Gilbert Bawara insiste sur la nécessité de préserver l’ordre public avec « discernement », mais le ton reste ferme.
Le « Mouvement du 6-Juin » se distingue par sa structure horizontale, sans leader unique ni organisation rigide, ce qui le rend difficile à contenir. S’appuyant sur les réseaux sociaux et un langage direct, il réussit à mobiliser une jeunesse souvent méfiante envers les partis classiques. Cette nouvelle forme de contestation digitale et spontanée renvoie les formations traditionnelles à leur incapacité chronique à incarner le changement. Même parmi certains opposants historiques, l’irruption de ce mouvement est vue à la fois comme un espoir et une menace.
Déchirée, calculatrice, discréditée, l’opposition togolaise peine à accompagner l’élan citoyen né sur internet. Ici Lomé va jusqu’à dénoncer sa jalousie envers cette révolte née hors des circuits établis. Pourtant, sans convergence entre anciens et nouveaux visages de la lutte, la dynamique risque de s’éteindre ou de se fracasser contre le mur de la répression. La colère est là, le ras-le-bol est généralisé, mais il manque encore un front commun structuré, capable de transformer cette énergie en force politique durable.