À Genève, les représentants de 184 pays ont entamé, ce 5 août, dix jours de négociations cruciales pour établir le premier traité international contraignant sur la pollution plastique. Sous l’égide de l’ONU, ces discussions à huis clos visent à enrayer une crise environnementale globale. Les pays africains, particulièrement touchés, ont saisi cette tribune pour exiger des engagements clairs sur la réduction de la production, la traçabilité des produits toxiques et le soutien aux pays du Sud.
Dès l’ouverture, plusieurs délégations africaines – dont celles du Sénégal, du Burkina Faso et du Togo – ont pris la parole pour défendre des mesures ambitieuses. Elles réclament un traité qui ne se contente pas de gérer les déchets, mais qui s’attaque à leur origine : la production massive de plastique. Autre exigence forte : la création d’un fonds indépendant pour accompagner les pays en développement dans la transition vers des solutions durables, notamment en matière de recyclage, d’éducation environnementale et d’installations techniques.
Le positionnement des États africains s’explique par la réalité qu’ils vivent. Le continent est devenu une zone de déversement pour les déchets plastiques en provenance d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie. Comme le souligne Momar Baby, membre de l’ONG Zéro Déchet Sénégal, ces flux incontrôlés de déchets s’ajoutent à l’insuffisance des infrastructures locales de traitement. Résultat : les villes étouffent sous les sachets plastiques, les fleuves sont asphyxiés, et la population paie le prix fort d’un déséquilibre global.
Les tractations se déroulent à huis clos, dans une atmosphère tendue. Si de nombreux États reconnaissent l’urgence, les intérêts économiques autour de la filière plastique, dominée par de puissants lobbies industriels, freinent l’ambition du texte. Les pays africains redoutent un accord dilué qui laisserait le champ libre à une pollution encadrée mais non réduite. Pour eux, il faut un traité contraignant, avec des objectifs de réduction quantifiés et un calendrier clair.
Momar Baby, présent à Genève en tant qu’observateur, se dit « prudemment confiant ». Il salue la mobilisation africaine et note que, pour une fois, les délégations du continent ne se contentent pas d’assister mais imposent des propositions concrètes. Ce sursaut diplomatique s’accompagne d’un effort croissant des sociétés civiles africaines pour peser dans les négociations internationales sur l’environnement, longtemps dominées par les pays du Nord.
Au-delà des aspects techniques, la bataille menée à Genève par les pays africains soulève une question de justice environnementale. Pourquoi ceux qui produisent le moins de plastique devraient-ils en subir les pires conséquences ? Cette question traverse les débats et place l’Afrique dans une posture d’acteur, et non plus de victime passive. Le traité en cours de négociation sera un test de volonté politique autant qu’un révélateur des rapports de force internationaux.