À partir du 1er juillet, environ 7 000 médecins internes et résidents entament une grève nationale en Tunisie. Cette mobilisation d’envergure est l’aboutissement de plusieurs mois de tensions entre les jeunes praticiens et les autorités sanitaires, restées sourdes à leurs revendications. En jeu : des salaires jugés dérisoires, des conditions de travail précaires, et une obligation de service civil de plus en plus contestée.
Depuis avril, les internes et résidents tunisiens multiplient les actions : grève partielle, marche nationale, puis boycott massif des stages proposés par le ministère. Le 12 juin, une réunion tenue avec le ministère de la Santé n’a débouché sur aucun accord. En plus des faibles rémunérations et des indemnités de garde jugées insuffisantes, les grévistes dénoncent un système qui les oblige à exercer leur service civil dans des zones parfois mal desservies, sans compensation adéquate. À cela s’ajoute la difficulté à se loger décemment, avec des loyers pouvant atteindre 700 dinars tunisiens (environ 2 290 euros), une somme hors de portée pour la plupart.
La crise que traverse aujourd’hui le secteur hospitalier tunisien n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les alertes se multiplient : désertification médicale dans certaines régions, manque de moyens dans les hôpitaux publics, fuite des jeunes diplômés à l’étranger. Le service civil obligatoire, instauré pour pallier le manque de médecins dans l’intérieur du pays, est vécu comme une contrainte injuste par une génération de praticiens déjà confrontée à des conditions de travail dégradées. L’inaction des autorités face à ces signaux répétés a alimenté un profond sentiment d’abandon.
La grève nationale pourrait avoir des conséquences sérieuses sur le fonctionnement des hôpitaux publics, déjà fragilisés par la pénurie de personnel et l’insuffisance de matériel. La mobilisation de 7 000 internes et résidents, soit une part importante du personnel soignant dans les établissements universitaires, menace la continuité des soins, notamment dans les services d’urgences. En l’absence de réponse concrète, les grévistes ne prévoient pas de suspension du mouvement.
Pour nombre de jeunes médecins tunisiens, la grève dépasse les simples revendications salariales. Elle reflète une crise de confiance plus large envers les institutions, et une volonté de reconnaissance professionnelle. Le boycott de 6 200 médecins des choix de stages en est un signe fort. De plus en plus nombreux sont ceux qui envisagent de quitter le pays pour exercer à l’étranger, où les conditions de travail et les perspectives de carrière sont jugées plus attractives.
La mobilisation actuelle repose sur une réalité brutale : sans réforme en profondeur, le système de santé public tunisien pourrait perdre ses forces vives. La grève des internes et résidents rappelle que la santé, au-delà des chiffres budgétaires, repose sur des professionnels engagés, mais épuisés. Le silence du ministère pourrait avoir un coût bien plus élevé que la satisfaction des revendications.