Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan, a été arrêté mercredi 20 mars et incarcéré ce dimanche, après des accusations de corruption et de soutien à une organisation terroriste. Cette arrestation survient alors qu’Imamoglu venait d’être réélu maire de la plus grande ville de Turquie en 2024. L’incarcération a provoqué une série de manifestations massives à travers le pays, tandis que son parti, le CHP, dénonce un « coup d’État politique » orchestré par les autorités en place.
Les autorités turques ont justifié l’incarcération d’Imamoglu par des accusations de corruption et de gestion illégale, y compris des pots-de-vin et l’enregistrement illégal de données personnelles. En outre, la justice a également évoqué des liens avec une organisation terroriste en raison d’un accord électoral entre le CHP et un groupe pro-kurde, le Parti démocratique des peuples (HDP), accusé de liens avec le PKK. Cependant, malgré l’ampleur de ces accusations, la détention d’Imamoglu repose principalement sur des charges financières, et l’aspect lié au soutien à une organisation terroriste n’a pas été retenu pour justifier sa mise en détention immédiate.
L’arrestation de l’opposant survient dans un climat de tensions politiques croissantes en Turquie. Imamoglu, réélu en 2024 après avoir délogé le parti AKP d’Erdogan d’Istanbul en 2019, est perçu comme une menace croissante pour le pouvoir. Son arrestation pourrait avoir des répercussions sur sa candidature à l’élection présidentielle de 2028, alors qu’il était pressenti pour représenter son parti lors des primaires de dimanche. Cette procédure s’inscrit également dans une série d’actions répressives contre l’opposition et les médias critiques du gouvernement d’Erdogan, notamment après des décisions judiciaires contre d’autres figures de l’opposition et des journalistes.
L’incarcération d’Ekrem Imamoglu pourrait marquer un tournant décisif dans la politique turque. D’une part, elle risque de galvaniser davantage l’opposition, notamment le CHP, qui pourrait voir dans cet événement une opportunité de renforcer sa position face au pouvoir en place. D’autre part, le soutien populaire à Imamoglu, manifesté par des dizaines de milliers de personnes dans les rues de plusieurs grandes villes turques, montre que l’incarcération d’un leader politique ne fait que raviver les tensions entre le gouvernement et une partie importante de la population. Les élections locales de 2024, où le CHP a remporté plusieurs grandes villes, montrent également que l’AKP commence à perdre son emprise sur le pays.
Depuis l’arrestation, les rues d’Istanbul, d’Ankara et d’autres grandes villes turques ont été le théâtre de manifestations massives. Des dizaines de milliers de personnes, souvent issues de la jeunesse, ont exprimé leur mécontentement face à ce qu’elles considèrent comme un excès de pouvoir et une tentative de répression politique. Ces rassemblements rappellent le soulèvement de Gezi en 2013, marquant ainsi un retour de la contestation sociale à une échelle nationale. Bien que la cause initiale des manifestations soit l’arrestation d’Imamoglu, les protestations touchent désormais à des revendications plus larges sur la démocratie et la liberté d’expression en Turquie.
Alors qu’Ekrem Imamoglu se trouve derrière les barreaux, l’opposition turque semble prête à continuer la lutte. Le CHP a appelé à un soutien massif lors de ses primaires présidentielles et cherche à transformer cette consultation en un véritable plébiscite populaire. L’avenir politique d’Imamoglu dépendra en grande partie de l’évolution de cette mobilisation, mais aussi de l’issue des diverses procédures judiciaires en cours, notamment l’appel concernant la suspension de son diplôme universitaire. Pour la Turquie, cet événement pourrait marquer le début d’une nouvelle phase de contestation politique, avec des conséquences potentielles sur les élections de 2028.
La situation a également attiré l’attention de la communauté internationale, qui observe les répercussions de cette arrestation sur les droits démocratiques en Turquie. De nombreux analystes considèrent l’incarcération d’Imamoglu comme une tentative de museler une opposition de plus en plus populaire. Des personnalités politiques et des organisations de défense des droits humains ont condamné cette décision et réclamé sa libération immédiate, soulignant la dangerosité de cette dérive autoritaire dans un pays clé de l’OTAN.