Pour la première fois, la responsabilité de l’État français dans le génocide au Rwanda est confrontée à un recours sans précédent devant le tribunal administratif. En avril 2023, des victimes du génocide et deux associations ont pris l’initiative de déposer une requête devant le tribunal administratif de Paris, remettant en question les actions de la France avant, pendant, et après le génocide rwandais, un drame qui a coûté la vie à près de 800 000 personnes.
Jusqu’à présent, les parties civiles avaient principalement recouru à la justice pénale pour établir la responsabilité de la France dans le génocide rwandais. Cependant, les affaires précédentes, notamment celles impliquant les militaires de l’opération Turquoise et le massacre de Bisesero, avaient abouti à des non-lieux. Cette fois-ci, l’État français est au cœur de la procédure, visé pour des manquements présumés, notamment le fait de n’avoir pas dénoncé son accord d’assistance militaire avec le régime hutu devenu génocidaire. Les enjeux de cette affaire sont énormes, car elle pourrait remettre en question le rôle de la France dans le drame rwandais.
Le contexte de cette requête est crucial pour comprendre l’ampleur de la démarche entreprise par les parties civiles. Elles estiment que l’intervention de la France lors du génocide rwandais est le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation. Les autorités françaises ont sous-estimé la gravité du génocide, le considérant comme un conflit secondaire entre le Rwanda et l’Ouganda, via le Front patriotique rwandais (FPR), qui aurait été le supplétif du pouvoir ougandais. Cette vision erronée a conduit à des fautes de service lourdes et systématiques, dont le massacre de Bisesero est un exemple concret.
À présent, le tribunal administratif doit examiner les arguments des parties civiles ainsi que les mémoires en défense du Secrétariat général du gouvernement français. Contrairement à la justice pénale, les parties civiles espèrent que le juge administratif fera preuve de diligence dans cette affaire complexe. Elles sont prêtes à aller jusqu’au Conseil d’État pour faire la lumière sur le rôle de la France dans le génocide rwandais. Cette procédure pourrait avoir un impact significatif sur la reconnaissance de la responsabilité française dans ce triste chapitre de l’histoire africaine.