Le 15 mai, Yzeure affrontera le Paris Saint-Germain en finale de la Coupe de France. Ce club de deuxième division sera guidé par une icône du foot féminin en Afrique : la Camerounaise Christine Manie. À 37 ans, la défenseure, qui a disputé les JO 2012, deux Coupes du monde et sept Coupes d’Afrique des nations, a encore faim de football et de grandes expériences. Rencontre avec une capitaine charismatique.
Le 15 mai 2022 à Dijon, le Football féminin Yzeure Allier Auvergne (FFYAA), plus petit budget de 2e division, affrontera en finale de la Coupe de France le Paris Saint-Germain (PSG), ses millions et sa ribambelle de stars.
S’il y a une Yzeuroise qui ne risque pas d’être impressionnée ce soir-là, c’est bien la capitaine Christine Manie. Et pour cause : la Camerounaise a disputé les Jeux olympiques (2012), deux huitièmes de finale de Coupe du monde (2015, 2019), sept Coupes d’Afrique des nations et décroché des médailles aussi bien à la CAN qu’aux Jeux africains. De quoi faire relativiser. « On aura en face de nous l’une des meilleures équipes européennes. Mais on va jouer ce match comme tous ceux qu’on dispute les dimanches, glisse avec sérénité la défenseure. C’est juste qu’il s’agit d’une finale de Coupe de France. Mais on va l’aborder comme une rencontre de championnat. On va tout donner pour ne pas avoir de regrets à la fin. »
Ce qui n’empêche pas l’intéressée de savourer ce moment historique pour un FFYAA qui court depuis plusieurs années après un retour en première division (D1). « Même pour moi, malgré mon expérience, ça reste quelque chose de grandiose, sourit-elle. Disputer une finale de Coupe de France, ce n’est pas donné à tout le monde. De nombreuses équipes de D1 ne sont pas parvenues jusque-là ».
Capitaine charismatique
L’expérience de Christine Manie est d’autant plus importante à quelques semaines d’un événement qui pourrait faire tourner les têtes de ses coéquipières. « Peut-être que beaucoup de jeunes du groupe se réfèrent parfois à moi. Elles sont jeunes certes mais elles sont matures aussi. Elles savent bien qu’il y a beaucoup d’enjeux autour de nous. On le sait, on le sent, on le voit même », souligne celle qui est par ailleurs animatrice dans les écoles et coordinatrice de l’école de football d’Yzeure.
Il n’empêche : Ophélie Meilleroux, coach et ex-joueuse emblématique du club, est bien contente d’avoir la native de Yaoundé dans ses rangs. « Lorsque j’étais joueuse, un sélectionneur me disait que j’étais un de ses soldats et qu’il pouvait partir à la guerre avec moi. Christine, je la considère un peu comme mon soldat, explique la technicienne. Je sais que je peux aller à la guerre avec elle. Elle est travailleuse et sérieuse. Son expérience, je n’en parle même pas : son CV parle pour elle. Elle est écoutée et respectée. Elle se donne sans compter. Des joueuses comme elle, j’aimerais en avoir plusieurs dans mon effectif. »
L’autre Camerounaise d’Yzeure, la défenseure Dolorès Tsadjia, 23 ans, est également dithyrambique au sujet de son aînée : « Avec elle, on apprend. C’est quelqu’un qui est tout le temps en train de conseiller, de parler. Elle te galvanise. Quand tu as quelqu’un comme ça dans ton équipe, c’est exceptionnel. »
Toujours affamée de football
Visiblement, l’équipe nationale du Cameroun n’a plus la même approche au sujet de celle qui a longtemps porté son brassard. Depuis la Coupe du monde 2019, Christine Manie ne peut en effet que se consacrer à sa carrière en club. Au point de faire une croix sur la prochaine Coupe d’Afrique des nations, prévue du 2 au 23 juillet 2022 au Maroc ? « Je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus, à part le fait que je suis disponible », évacue celle qui a qualifié son pays à plusieurs compétitions dont le Mondial 2015, grâce à des buts décisifs.
CAN 2014: Christine Manie qualifie le Cameroun pour sa première Coupe du monde
À bientôt 38 ans, celle qui est passée par le Canon Yaoundé (2005-2009), la Biélorussie (2009-2011), la Roumanie (2011-2016) puis Nancy (2016-2019) ne fait en tout cas aucun complexe. « C’est vrai que des gens parlent souvent de mon âge. Sur les réseaux sociaux, des gens écrivent que je dois m’arrêter. On me dit que j’ai vieilli. Mais moi, je m’en fiche, lâche-t-elle. Sauf blessure, Dieu m’en préserve, ce n’est pas ma dernière saison. Ce n’est même pas l’avant-dernière, je crois ».
Celle qu’on compare souvent à l’ex-capitaine des Lions Indomptables Rigobert Song ne se voit donc pas l’imiter, dans l’immédiat, en devenant coach des A. « Bah, pourquoi pas ? On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve, répond-elle, mi-amusée, mi-sérieuse. Honnêtement, je n’y ai pas pensé. C’est vrai qu’on me compare souvent à lui, l’un des meilleurs défenseurs. Il était très, très fort. Et, en tant qu’entraîneur, je le respecte aussi ».
Toujours affamée de terrain, Christine Manie préfère néanmoins se référer à une autre célèbre footballeuse, aujourd’hui âgée de 44 ans. « Il y a une joueuse qui m’a impressionnée et qui a joué au PSG, la Brésilienne Formiga. Ça donne envie de faire comme elle », s’enthousiasme l’Africaine. Même lorsque le championnat de deuxième division a été arrêté deux années de suite à cause du Covid-19, la Camerounaise le jure : elle n’a jamais songé une seule seconde à s’arrêter. « Et l’avenir m’a donné raison puisque je vais jouer une finale de Coupe de France ! »