Dans un contexte marqué par la crise du Covid-19, les tensions géopolitiques, notamment la guerre en Ukraine, et le changement climatique, le Cameroun s’efforce de réduire sa dépendance aux importations alimentaires. Pour ce faire, le pays a lancé un ambitieux plan triennal d’import-substitution avec un budget conséquent de plus de 114 milliards de FCFA (environ 170 millions d’euros). L’objectif est clair : produire localement ce qui était auparavant importé. Cependant, malgré ces efforts et ces investissements substantiels, le programme peine à produire les résultats escomptés.
Face à cet appel national à l’autosuffisance, des entrepreneurs comme Bertin Tchoffo ont rapidement pris le taureau par les cornes. Convaincu par le discours présidentiel en faveur de l’import-substitution, Tchoffo et son équipe ont lancé un projet d’envergure : la production de 2 000 hectares de manioc destiné à la fabrication de farine. Cette initiative vise à remplacer une partie de la farine de blé dans la pâtisserie et la boulangerie camerounaises, un secteur traditionnellement dépendant des importations.
Cette entreprise privée bénéficie du soutien actif des autorités, illustrant la volonté politique de réussir la transition vers une production alimentaire plus autonome. Les premiers résultats ont été encouragés par des actions concrètes telles que la présentation de la farine de manioc aux pâtissiers de Yaoundé par le ministre du Commerce, symbolisant une démarche proactive pour intégrer ce nouvel ingrédient dans l’industrie locale.
Malgré l’optimisme initial, la transition vers une production locale rencontre des obstacles significatifs. Les acteurs de la filière des farines panifiables montrent une certaine résistance aux changements, liée aux intérêts économiques en jeu. De plus, la fixation des prix de la farine de manioc et le décaissement limité des budgets alloués pour l’import-substitution soulèvent des questions quant à l’efficacité et l’impact réel de cette politique.
Pour surmonter ces obstacles, des ajustements stratégiques sont nécessaires. Il est impératif de favoriser la production locale et d’explorer des moyens pour intégrer efficacement la farine de manioc dans l’industrie de la boulangerie. Passer de l’expérimentation à la production à grande échelle est un défi que les autorités et les entrepreneurs doivent relever ensemble, en tenant compte des réalités économiques et des résistances au changement.
Le Cameroun se trouve à un carrefour crucial de sa politique d’import-substitution. La volonté politique et l’engagement des entrepreneurs locaux constituent une base solide pour avancer. Toutefois, le succès à long terme dépendra de la capacité du pays à surmonter les défis internes et à ajuster ses stratégies pour réaliser pleinement le potentiel de cette initiative ambitieuse.