Le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye près de Dakar, des dizaines de soldats africains ont été tués par l’armée française. Ces soldats, appelés tirailleurs sénégalais, avaient combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale et réclamaient simplement le paiement de leurs primes de guerre. Ce massacre, longtemps passé sous silence, est aujourd’hui encore une blessure dans la mémoire collective africaine.
Après la guerre, les tirailleurs sénégalais sont rentrés épuisés, frustrés, et sans argent. Ils avaient perdu beaucoup de leurs camarades et la promesse de recevoir des primes de guerre n’avait pas été tenue. Excédés par l’attente, ils ont demandé à plusieurs reprises leur dû aux autorités françaises à Dakar, mais leurs demandes ont été ignorées. Le 1er décembre 1944, alors qu’ils se rassemblaient pour exprimer leur colère, les soldats ont été attaqués par des unités d’artillerie françaises sur ordre du général Marcel Dagnan. En quelques minutes, le rassemblement a été réprimé dans le sang.
Les tirailleurs sénégalais ont joué un rôle très important pendant les deux guerres mondiales. Enrôlés par la France coloniale, ils ont combattu sur le sol européen dans des conditions très difficiles, subissant de lourdes pertes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces soldats, issus de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est, ont fait preuve de courage, notamment lors de la bataille de France en 1940. Malgré leur sacrifice, ils n’ont jamais reçu la reconnaissance ni les compensations promises par la France.
La France a longtemps présenté le massacre de Thiaroye comme une rébellion violente, essayant ainsi de justifier la répression. Les autorités ont arrêté 48 survivants et en ont jugé 34 pour insubordination, les condamnant à des peines de prison et à des amendes. Mais ces hommes n’étaient pas des rebelles ; ils réclamaient simplement justice après avoir risqué leur vie pour la France. Ce n’est qu’en 2014 que le président français François Hollande a reconnu le massacre comme une “répression sanglante”, ouvrant ainsi la voie à un début de reconnaissance officielle.
Malgré cette reconnaissance tardive, la quête de vérité et de justice n’est pas encore achevée. On ignore toujours le nombre exact de victimes, et de nombreuses familles sont toujours dans l’incapacité de faire leur deuil. Les descendants des victimes, les historiens, et les militants continuent de demander des réparations et une véritable reconnaissance des souffrances subies par les tirailleurs sénégalais.
Le film “Camp de Thiaroye” de Sembène Ousmane, sorti en 1988, a joué un rôle crucial pour sensibiliser le public à cette tragédie. En 2004, le Sénégal a instauré la Journée du Tirailleur pour honorer ces hommes qui se sont sacrifiés pour la France. La lutte des familles pour la reconnaissance de leurs parents et pour obtenir réparation continue encore aujourd’hui. 80 ans après, le massacre de Thiaroye reste une blessure ouverte dans l’histoire africaine, rappelant les sacrifices des tirailleurs sénégalais et l’injustice qui leur a été infligée.