Depuis août dernier, l’activiste tunisienne Sihem Bensedrine est incarcérée. Militante de longue date pour la vérité et la justice transitionnelle, elle avait entamé une grève de la faim à la mi-janvier pour protester contre son emprisonnement, grève qu’elle a finalement interrompue le 30 janvier. Son cas suscite une vive indignation parmi ses soutiens, qui dénoncent une “détention arbitraire”.
Quatre jours après son hospitalisation en soins intensifs, Sihem Bensedrine a pu recevoir la visite de sa famille, qui, jusque-là, n’avait que des informations lacunaires fournies par l’administration pénitentiaire. L’ancienne présidente de l’Instance Vérité et Dignité, chargée d’enquêter sur les exactions du régime de Ben Ali, est accusée de falsification de documents. Un chef d’accusation que ses avocats jugent infondé et purement politique.
L’Instance Vérité et Dignité, mise en place après la révolution de 2011, a mis en lumière les abus du régime de Ben Ali. Son rapport final, fruit de quatre années de travail, a dérangé de nombreux cercles de pouvoir. Selon l’avocat Ayachi Hammami, la détention de Sihem Bensedrine s’apparente à une vengeance politique orchestrée par les anciens réseaux du régime. Pour ses soutiens, elle paie aujourd’hui le prix de ses révélations.
La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a appelé à sa libération immédiate, estimant que son incarcération repose sur un dossier monté de toutes pièces. Yosra Frawes, directrice du bureau Maghreb-Moyen-Orient de l’ONG, dénonce une recrudescence de la répression en Tunisie. Selon elle, le gouvernement de Kaïs Saïed adopte des méthodes comparables à celles des dictatures régionales les plus brutales, notamment celle du maréchal al-Sissi en Égypte.
Le prolongement de la détention provisoire de Sihem Bensedrine de quatre mois supplémentaires renforce les craintes d’une instrumentalisation de la justice. Depuis plusieurs mois, magistrats, journalistes et opposants politiques sont la cible d’arrestations jugées abusives. Cette affaire s’inscrit dans un climat de tensions croissantes, où les libertés publiques paraissent de plus en plus menacées.
Alors que la Tunisie était considérée comme un modèle de transition démocratique dans le monde arabe, la répression actuelle suscite des interrogations sur l’avenir des droits humains dans le pays. La communauté internationale, tout comme les défenseurs des libertés, surveille avec inquiétude l’évolution de la situation, redoutant une dérive autoritaire durable.