La Libye a lancé, le 3 mars 2025, son tout premier appel d’offres pour l’exploitation pétrolière depuis 17 ans, une étape symbolique qui marque la volonté du pays de revitaliser son secteur énergétique. Cette annonce, faite par Masoud Suleiman, le président par intérim de la Compagnie Nationale du Pétrole (NOC), intervient dans un contexte économique fragile, mais aussi dans un pays dont le pétrole reste la principale source de revenus. Le gouvernement libyen par intérim voit dans cette initiative une opportunité cruciale pour attirer des investissements étrangers et relancer l’exploration, malgré l’instabilité politique et sécuritaire persistante.
L’appel d’offres, destiné à moderniser et développer l’infrastructure pétrolière libyenne, intervient après une longue période d’incertitude, marquée par la fermeture de champs pétroliers en raison des luttes entre factions armées. Bien que la production de pétrole en Libye soit actuellement supérieure à 1,4 million de barils par jour, la situation reste volatile. Les compagnies internationales, telles qu’Eni, BP et OMV, ont cependant repris leurs activités d’exploration en 2023, témoignant d’une confiance relative malgré les tensions. Le gouvernement libyen par intérim, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, espère ainsi renforcer le secteur pour atteindre une production de 2 millions de barils par jour d’ici 2027, un objectif ambitieux qui nécessite des investissements de plusieurs milliards de dollars.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans un chaos politique et militaire, avec la présence de multiples factions armées qui se battent pour le contrôle des ressources du pays, notamment du pétrole. Les conflits internes ont régulièrement conduit à la fermeture de champs pétroliers et à des baisses de production, affectant lourdement l’économie nationale. Par ailleurs, l’incapacité des autorités à garantir la transparence dans la gestion des revenus pétroliers a alimenté une crise de confiance parmi les citoyens et la communauté internationale. Malgré ces défis, la Libye reste l’un des plus grands producteurs de pétrole d’Afrique, et son rôle géopolitique en matière énergétique demeure stratégique.
L’appel d’offres risque de raviver les tensions internes et régionales. En effet, plusieurs acteurs nationaux s’inquiètent de l’impact de cette nouvelle politique sur la stabilité du pays. Certaines factions libyennes, notamment des groupes parlementaires et des membres des milices, dénoncent l’ouverture du secteur pétrolier à la concurrence, craignant que cela ne favorise encore la corruption et n’alimente les conflits armés. De plus, la participation d’acteurs étrangers dans un environnement politique instable pourrait exacerber les rivalités entre puissances internationales, comme cela avait été le cas lors du contrat signé avec la Turquie en 2019 pour la recherche de gaz en Méditerranée, un projet ayant créé des tensions avec l’Égypte et la Grèce.
Certains membres du Parlement libyen et des experts politiques critiquent le gouvernement de Tripoli, soulignant que l’appel d’offres pourrait prolonger la durée de vie de l’exécutif intérimaire sans garantir une gestion plus efficace ou légitime du secteur. Les adversaires du Premier ministre Dbeibah affirment que la gestion de la NOC et des ressources pétrolières par un président intérimaire et un ministre par intérim ne respecte pas les règles légales en vigueur. La situation politique complexe et les rivalités au sein du gouvernement libyen soulignent la fragilité d’une réforme du secteur pétrolier, essentielle pour l’avenir économique du pays.