Dans la province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, la cité minière de Rubaya est devenue un point stratégique pour le mouvement rebelle M23, qui en a pris le contrôle en mai 2024. À 60 kilomètres de Goma, les mines de cobalt, coltan et tantale autour de la ville tournent à plein régime, alimentant à la fois l’économie locale et les finances des rebelles. Selon un rapport des Nations Unies, ces activités généreraient près de 800 000 dollars par mois pour les membres du M23, un montant crucial pour le financement de leurs opérations militaires.
Les collines de Luundje et de Kabashumba sont désormais des lieux d’exploitation minière effervescents, où des milliers de creuseurs artisanaux s’affairent chaque jour à la recherche de minerais. Ces travailleurs, comme Bahati Serubungo, 32 ans, creusent des puits à la main, dans l’espoir de découvrir des gisements de cobalt ou de coltan, sources de revenus importants. “Tout dépend des trous que l’on trouve”, confie-t-il, expliquant que certains creuseurs peuvent gagner entre 100 et 200 dollars par jour, une fortune dans cette région marquée par la pauvreté. Le travail dans les mines de Rubaya offre à certains une chance de sortir de la précarité, mais à quel prix pour leur sécurité ?
L’exploitation minière à Rubaya n’est pas un phénomène récent, mais elle a pris une tournure particulière avec l’arrivée du M23. Depuis la prise de la cité en avril 2024, les rebelles ont imposé leur domination sur les mines, interdisant aux forces armées de s’y rendre. Cette situation s’inscrit dans un contexte de conflit armé de longue date dans l’Est de la RDC, où les groupes armés, y compris le M23 soutenu par le Rwanda selon certains rapports, contrôlent des zones riches en ressources naturelles. Ces ressources ont souvent été utilisées comme levier financier pour alimenter les conflits, créant un cercle vicieux de violence et d’exploitation.
À mesure que l’exploitation minière s’intensifie, la question du contrôle des ressources à Rubaya devient un enjeu clé dans le conflit entre le M23 et les autorités congolaises. Avec une manne mensuelle de 800 000 dollars, le M23 dispose désormais d’une source de financement stable pour ses activités militaires. Cette situation pourrait exacerber les tensions dans la région, car le contrôle des mines est synonyme de pouvoir et de ressources. Les autorités congolaises et la communauté internationale se retrouvent face à un dilemme : comment gérer cette exploitation des ressources dans un contexte de guerre, tout en essayant de limiter les profits des groupes armés ?
Pour les milliers de travailleurs et de commerçants locaux, les mines de Rubaya représentent une source vitale de revenus. Twizerimana, une vendeuse de planches pour les creuseurs, explique que la situation s’est améliorée depuis l’arrivée du M23, notamment grâce à une plus grande sécurité dans les transactions commerciales. Bien que les conditions de travail demeurent difficiles et risquées, de nombreux habitants trouvent dans l’exploitation minière un moyen de subsistance. Les creuseurs artisanaux, bien que loin d’être riches, parviennent parfois à gagner suffisamment pour nourrir leurs familles, et certains, comme Bahati, parviennent à investir dans des biens immobiliers.
Cependant, cette dépendance à l’exploitation minière soulève des questions sur la durabilité de ce modèle économique. À long terme, l’exploitation à grande échelle des ressources naturelles risque d’avoir des conséquences environnementales graves. De plus, le fait que la région soit contrôlée par des groupes armés empêche tout développement durable et complique les efforts de réconciliation nationale. La situation à Rubaya reflète donc une problématique plus vaste de la RDC, où les ressources naturelles sont devenues un terrain de lutte, non seulement pour des groupes armés, mais aussi pour les gouvernements, les entreprises et la communauté internationale.