Le 18 mars 2025, un collectif d’ONG a déposé une plainte contre le groupe Bolloré et son président, Vincent Bolloré, devant le parquet national financier à Paris. Cette action vise des chefs d’accusation de « recel » et de « blanchiment d’argent » liés aux activités du groupe dans la gestion des ports en Afrique. L’initiative a été prise par le collectif Restitution pour l’Afrique, qui regroupe onze ONG opérant dans six pays du continent (Togo, Guinée, Cameroun, Ghana, Côte d’Ivoire et RDC), et qui estime que le groupe Bolloré a mis en place un système de corruption et d’enrichissement illégal sur le dos des populations africaines.
Les plaignants dénoncent des pratiques de blanchiment d’argent et de conflits d’intérêts, principalement à travers les activités logistiques du groupe Bolloré en Afrique. En 2022, Bolloré a revendu sa filiale africaine pour plusieurs milliards d’euros, une opération qualifiée de « biens mal acquis inversés ». Jean-Jacques Lumumba, président du collectif Restitution pour l’Afrique et militant anti-corruption, affirme que ces pratiques ont permis au groupe Bolloré de financer des élections et de bénéficier de dividendes via une gestion opaque des ports africains. Selon lui, cette vente de Bolloré Logistics est le résultat d’un système bien rodé permettant à l’entreprise de masquer des profits générés par des pratiques frauduleuses.
Cette plainte s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre la corruption en Afrique et au sein des entreprises multinationales. Le groupe Bolloré, actif depuis plusieurs décennies sur le continent, est accusé par certains observateurs d’avoir établi un réseau de trafic d’influence qui a permis de contrôler des infrastructures stratégiques en Afrique. Les ONG plaignantes affirment que cette situation a conduit à une concentration de richesses entre les mains de quelques-uns, au détriment des populations locales. Ces accusations viennent alimenter le débat sur l’éthique des pratiques commerciales des grandes entreprises en Afrique et leur rôle dans la perpétuation des inégalités économiques.
Un des objectifs majeurs de cette plainte est d’appliquer la convention de Mérida, un mécanisme international intégré dans la législation française en 2021. Cette convention vise à réallouer les fonds issus de la corruption aux populations lésées. Le collectif Restitution pour l’Afrique espère ainsi que les bénéfices générés par les pratiques douteuses du groupe Bolloré soient saisis et redistribués aux communautés africaines affectées. Selon Jean-Jacques Lumumba, l’enjeu est d’« attaquer le corrupteur » et de remettre les fonds « sales » aux populations locales, permettant ainsi une redistribution plus juste des richesses.
Cette action judiciaire pourrait avoir des conséquences majeures sur la manière dont les entreprises gèrent leurs affaires en Afrique. Si la plainte aboutit à une condamnation, elle enverrait un message fort sur la nécessité de rendre le commerce international plus éthique et transparent. Pour les ONG impliquées, ce n’est pas seulement une victoire judiciaire qui est en jeu, mais aussi un changement dans la manière dont les acteurs économiques doivent se comporter vis-à-vis des pays africains. Cette affaire pourrait également créer un précédent juridique et politique, encourageant d’autres mouvements à poursuivre des actions similaires.
Sur le terrain, cette plainte suscite des réactions partagées. De nombreuses voix, notamment au sein de la société civile en Afrique, saluent cette initiative comme un pas important vers la justice sociale et économique. Les habitants des pays concernés par la gestion des ports par Bolloré, comme le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, se disent enfin entendus. Cependant, certains analystes jugent cette démarche complexe, soulignant que des affaires similaires ont déjà eu lieu sans aboutir à des répercussions concrètes pour les responsables. Les ONG poursuivent donc leur combat, convaincues que cette action marque un tournant dans la lutte contre la corruption et l’injustice économique.