Le 1er mai, un engouement rarement observé, aux accents politiques, a accompagné un match de première division du championnat ivoirien. La rencontre entre l’ASEC Mimosas et le Lys Sassandra, au stade Robert-Champroux d’Abidjan-Marcory, s’est déroulée dans une ambiance survoltée, enflammée par la visite de la légende du football ivoirien Didier Drogba et candidat malheureux à l’élection de la Fédération ivoirienne de football. En l’acclamant, le Lys Sassandra, seul club de L1 qui a voté pour lui lors de cette élection, a voulu lui exprimer son soutien. Une élection qui a été très suivie dans le pays, mettant à jour les difficiles conditions des footballeurs professionnels en Côte d’Ivoire.
Deux heures avant le match, le stade est plein, les portes se ferment. À l’extérieur, ils sont des centaines à être frustrés de ne pas pouvoir entrer.
Des jeunes en claquettes se font la courte échelle, escaladent le mur d’enceinte, manquant de se blesser sur les dangereux pics qui le couronnent. Les policiers repoussent les curieux à coups de matraques et de tirs de gaz lacrymogène, alimentant les ressentiments des supporters déçu par la défaite de Didier Drogba à l’élection de la FIF.
« Sans Didier Drogba, il n’y aura pas de CAN. Nous avons décidé de supporter le Lys, parce que c’est le Lys qui a donné sa voix à Didier Drogba. »
Une ovation lors de l’entrée de Drogba sur la pelouse
En raison de ce soutien à Didier Drogba, le petit club de la région du Gbôklé a multiplié par 100 ses abonnés Facebook en 8 jours seulement et a été couvert de cadeaux, en cash ou en nature.
« Je suis à nouveau supporter du Lys, parce que le président du Lys a décidé de faire rénover le football en Côte d’Ivoire. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui. Tous ceux qui dirigent la FIF aujourd’hui n’ont pas apporté quelque chose de bon. Ce sont des marmailleurs, comme on dit, des gens qui font ce qu’ils veulent. Nous voulons le développement du football, c’est pourquoi nous soutenons la renaissance du football par Didier Drogba. »
Lorsque l’ancien numéro 11 et vainqueur de la Ligue des champions arrive aux abords du stade, une foule en liesse poursuit son véhicule.
Après 20 minutes d’attente, l’enfant de Gagnoa rejoint les tribunes le poing levé et habillé du maillot du Lys. Le stade exulte. Il s’offre un tour d’honneur, comme pour tester si sa popularité est restée intacte, et s’adresse aux joueurs de Lys au milieu du terrain : « Écoutez-moi bien : remerciez toujours les supporters, allez les remercier s’il vous plaît. Allez-y, faites un tour d’honneur, c’est pour vous ça. Faites-vous plaisir ».
Un échec vu comme une injustice
Le président du club de Lys, Dia Mamadou, malgré la défaite de son équipe ce soir-là, ne cache pas son émotion : « C’est une fête. Les supporters sont heureux, la population est heureuse, c’est le plus important. Le football est fait pour ça, ça prouve qu’on pourra faire évoluer le football ivoirien. Ça nous donne la force de continuer à travailler, à construire, éduquer, préparer nos enfants pour obtenir le maximum ».
L’échec de Didier Drogba, qui n’a pas été élu président de la Fédération, a été vécu comme une injustice par beaucoup, qui jugent l’institution gangrenée par la corruption et incapable d’assurer de bonnes conditions de travail aux footballeurs ivoiriens. Pour tenter de faire taire les critiques, le nouveau président de la FIF, Idriss Diallo, a pris une mesure symbolique forte, trois jours après son élection : le doublement du salaire minimum des joueurs professionnels, qui passe ainsi de 60 000 à 120 000 francs CFA.