Le 6 avril 1994 marque un tournant tragique dans l’histoire du Rwanda et de toute la région des Grands Lacs. À 20h30 ce jour-là, l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana et de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est abattu au-dessus de Kigali, tuant instantanément les deux chefs d’État, leurs collaborateurs et l’équipage. Cet assassinat, longtemps enveloppé de mystère, a plongé le Rwanda dans un chaos sanglant, initiant le génocide des Tutsis et bouleversant les dynamiques politiques de toute la région.
Ce soir-là, l’auteur de ces lignes, alors âgé de 18 ans, perd son père, un homme d’État engagé dans la recherche de la paix et de la réconciliation au Rwanda. Une perte dévastatrice qui marque à la fois un deuil personnel et un deuil national. Habyarimana, père de famille et homme d’État, avait toujours œuvré pour un Rwanda réuni, mais son assassinat, ainsi que celui de son homologue burundais, a ouvert la voie à des décennies de souffrances pour son peuple. À ce jour, la famille et les proches des victimes continuent de vivre avec ce deuil “confisqué”, tandis que la souffrance du peuple rwandais et de la région reste omniprésente.
Ce drame n’est pas un événement isolé. Il s’inscrit dans un contexte de tensions ethniques et politiques complexes qui prévalaient au Rwanda et dans la région des Grands Lacs. L’attaque du 6 avril 1994 a été l’étincelle déclencheuse du génocide rwandais, où près de 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés. Cet assassinat a également exacerbé les tensions dans les pays voisins, notamment en République Démocratique du Congo (RDC), où la guerre a trouvé des racines profondes dans les événements du Rwanda.
Trois décennies après cet attentat, la vérité reste en grande partie occultée. Les responsables de cet assassinat, bien que largement identifiés, n’ont pas été jugés. Le rôle du président rwandais actuel, Paul Kagame, dans cet acte, ainsi que la responsabilité de certains acteurs régionaux, reste un sujet sensible, notamment en raison de l’impunité qui persiste. Les familles des victimes, en particulier celles qui ont perdu leurs proches dans l’attentat, réclament justice. Le combat pour la vérité est devenu essentiel, et l’auteur appelle à un changement de paradigme : mettre fin au système d’”apartheid mémoriel” et construire une mémoire partagée.
L’hommage du 6 avril ne se limite pas aux seuls Rwandais, mais s’étend également aux victimes congolaises, souvent laissées dans l’ombre. Leur souffrance, qu’elle soit liée aux guerres successives ou à l’hospitalité rendue au Rwanda, trouve son origine dans ce même attentat, qui a permis l’émergence d’une violence dévastatrice pour toute la région. Ces voix muettes appellent à la reconnaissance de leur douleur, tout en soulignant la nécessité de mettre en lumière les injustices passées et présentes.
Malgré la douleur et l’injustice persistante, l’auteur affirme sa conviction profonde que l’héritage de son père, celui d’un Rwanda pacifique et réconcilié, peut renaître. Il appelle à une génération qui, désormais, ne cédera ni sur la mémoire, ni sur la dignité du peuple rwandais. La quatrième décennie depuis cet assassinat doit marquer un tournant : celui de la fin du silence et de l’émergence d’une nouvelle ère, fondée sur la vérité, la justice et le respect de la mémoire collective.