La loi de l’Union Européenne (UE) contre la déforestation, entrée en vigueur en décembre 2025, pourrait avoir un impact dévastateur pour l’Afrique subsaharienne, qui pourrait perdre jusqu’à 11 milliards de dollars par an en exportations de matières premières agricoles. Le rapport publié par le Commonwealth le 4 avril 2025 met en lumière les conséquences potentielles de cette législation, qui impose des obligations strictes de traçabilité sur des produits agricoles clés tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le caoutchouc, le bois et les produits bovins.
Les matières premières couvertes par cette loi représentent une part significative de l’économie de l’Afrique subsaharienne, contribuant jusqu’à 25 % du produit intérieur brut (PIB) dans certains pays. En effet, entre 2021 et 2023, les exportations de ces produits ont atteint une valeur annuelle moyenne de 40,15 milliards de dollars, dont près de 11 milliards provenaient des exportations vers l’UE. Toutefois, avec l’introduction de cette législation, ces recettes pourraient être fortement réduites si les producteurs africains ne parviennent pas à se conformer aux exigences européennes de traçabilité et de durabilité des chaînes d’approvisionnement.
La loi anti-déforestation de l’UE a été proposée pour limiter l’impact environnemental de la demande européenne, responsable d’environ 10 % de la déforestation mondiale, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Cette législation impose que certains produits agricoles ne proviennent pas de terres déboisées, dans le but de freiner l’extension des terres agricoles, principal moteur de la déforestation. Pour l’Afrique, cette mesure arrive à un moment où la région perd environ 3,9 millions d’hectares de forêts chaque année, et où 45 % des terres sont affectées par la désertification.
L’impact de cette législation pourrait s’avérer dramatique pour les pays subsahariens, notamment en raison de la vulnérabilité des petits exploitants agricoles, souvent incapables de couvrir les coûts de certification et de traçabilité. Par ailleurs, la baisse des recettes d’exportation pourrait entraîner une augmentation de la pauvreté, particulièrement dans les zones rurales, où une grande partie de la population dépend directement de ces filières. Néanmoins, certains pays comme le Ghana et le Nigeria ont déjà commencé à mettre en place des systèmes de traçabilité pour répondre aux exigences de l’UE, une démarche qui pourrait atténuer les pertes si elle est généralisée à l’ensemble de la région.
Parmi les produits concernés, le cacao représente un cas particulier de vulnérabilité. En Afrique subsaharienne, 59 % du cacao est exporté vers l’UE, représentant en moyenne 5,93 milliards de dollars par an. Cependant, des efforts sont déjà en cours pour garantir la durabilité de la filière. Des entreprises comme Cargill et Barry Callebaut ont commencé à appliquer des normes strictes de durabilité, et des initiatives locales comme celles du Ghana et du Nigeria pour améliorer la traçabilité des chaînes d’approvisionnement montrent qu’il est possible de se conformer aux nouvelles règles.
Pour limiter les effets négatifs de cette législation sur les économies africaines, le rapport recommande que l’UE offre un soutien technique et financier aux pays de la région pour faciliter la mise en place des systèmes de traçabilité. L’accent devrait également être mis sur le renforcement des industries locales de transformation des matières premières agricoles, afin de réduire la dépendance à l’exportation brute. Le développement du commerce intra-africain et l’investissement dans la recherche agricole pourraient également aider à compenser les pertes dues à la diminution des exportations vers l’Europe, contribuant ainsi à diversifier les sources de revenus et à renforcer la résilience économique de la région.