Le 30 avril dernier, à l’occasion du septième anniversaire de son parti, Les Transformateurs, Succès Masra a sévèrement critiqué le président Mahamat Idriss Déby Itno. L’ex-Premier ministre de la Transition a appelé à un changement de cap urgent pour que les attentes du peuple tchadien se concrétisent. Masra a dénoncé ce qu’il considère comme des « changements cosmétiques » opérés par le président, tout en pointant du doigt les « forces d’influence nuisibles » qui maintiennent le statu quo. Ces déclarations ont provoqué une vague d’indignation parmi les membres du camp présidentiel.
Dans ses critiques, Succès Masra n’a pas mâché ses mots. Il a adopté un ton direct et familier, s’adressant au président Déby avec des expressions telles que « mon frère » et « mon ami ». Cette approche informelle a agacé plusieurs figures du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le parti au pouvoir. Pour le secrétaire général du MPS, les propos de Masra sont non seulement « outranciers » mais également empreints d’une « posture narcissique » et d’un « ton irrévérencieux ». Les relations entre l’opposant et le président se sont nettement tendues.
Le contexte dans lequel ces propos ont été tenus est d’autant plus complexe qu’ils interviennent après la signature de l’accord de Kinshasa en 2023. Ce dernier avait permis à Succès Masra de revenir au pays et d’occuper un poste clé au sein de la primature avant l’élection présidentielle prévue en mai 2024. Cependant, pour le MPS, cet accord ne conférait en aucun cas un privilège politique permanent, ni une reconduction automatique de certaines mesures. L’un des négociateurs de l’accord, le sénateur Abderamane Koulamallah, a souligné que ce texte ne contenait « ni clauses secrètes, ni promesses irréalisées », réfutant ainsi les insinuations de Masra.
Les critiques de Masra s’inscrivent dans un contexte politique où la question du partage du pouvoir semble plus que jamais d’actualité. Selon le chercheur tchadien Hoinathy Remadji, l’opposant semble appeler à une forme de cohabitation politique. Toutefois, avec les succès électoraux du MPS lors des législatives et des locales, ce partage du pouvoir apparaît difficile à envisager. Pour Remadji, une telle cohabitation n’est envisageable que lorsque le pouvoir est contraint par des pressions extérieures, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle au Tchad.
Alors que le pays se prépare pour l’élection présidentielle de 2024, la situation politique reste tendue. Le camp présidentiel, conforté par sa majorité, semble déterminé à conserver le contrôle du pouvoir. De son côté, Succès Masra continue de se positionner comme un acteur incontournable du paysage politique tchadien, appelant à une rupture nette avec la gestion actuelle du pays. Ses déclarations, loin de susciter une ouverture politique, risquent de creuser un fossé plus profond entre l’opposition et le gouvernement.