Éric Tano Tataw, ressortissant camerounais de 38 ans installé dans le Maryland, a été mis en accusation par un jury fédéral de Baltimore. Il est accusé de complot en vue de fournir un soutien matériel à des groupes séparatistes armés anglophones au Cameroun et de proférer des menaces visant à blesser ou à kidnapper des civils. S’étant rendu aux autorités américaines, il risque quinze ans de prison pour les faits de soutien matériel, auxquels pourraient s’ajouter cinq ans supplémentaires pour chaque menace jugée fondée.
Tataw s’était fait connaître dès 2017 sous le pseudonyme « Garri Master », appelant à des « journées villes mortes » et au boycott des écoles gouvernementales. Il était l’un des leaders les plus visibles de l’exil, relayant des appels à l’action et coordonnant des attaques depuis l’étranger. Il collectait également des fonds pour financer les activités armées des séparatistes anglophones qui revendiquent l’indépendance d’une région baptisée « Ambazonie ». Cependant, ces dernières années, son influence semblait avoir diminué.
La crise anglophone camerounaise, qui a éclaté en 2016, a conduit à des affrontements entre l’armée camerounaise et les groupes séparatistes. Ce conflit, marqué par des enlèvements, des extorsions et des violences, a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Si Tataw a longtemps été une figure emblématique de ce mouvement, l’évolution des dynamiques sur le terrain a vu d’autres acteurs prendre le relais, notamment par le biais d’activités criminelles comme les kidnappings contre rançon.
Pour Arey Elvis Ntui, analyste senior de l’International Crisis Group, la mise en accusation d’Éric Tataw par la justice américaine est une étape significative. « Même si elle intervient tardivement et que Tataw n’a plus l’influence d’antan sur le terrain, elle rappelle que les responsables d’actes violents doivent rendre des comptes, aujourd’hui ou demain », explique-t-il. Cette action judiciaire pourrait également dissuader d’autres acteurs de poursuivre de telles activités.
Depuis plusieurs années, les groupes séparatistes se sont adaptés en diversifiant leurs sources de financement, misant désormais sur les extorsions et les enlèvements contre rançons. La perte d’influence des leaders en exil comme Tataw contraste avec l’ancrage local de ces nouveaux réseaux. Ces développements montrent que la crise anglophone continue d’évoluer, malgré la perte de visibilité médiatique et le relatif silence de figures naguère emblématiques.
Si Eric Tataw est reconnu coupable par la justice américaine, il pourrait écoper de peines lourdes : quinze ans de prison pour le soutien matériel et cinq ans pour chaque menace. Cette condamnation marquerait un tournant dans l’implication judiciaire internationale contre les soutiens à des groupes armés impliqués dans des conflits internes en Afrique. Elle constituerait aussi un signal fort adressé aux acteurs qui, même en exil, restent liés à des violences.