Les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe armé d’origine ougandaise actif dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), tendent à devenir une menace régionale. Un rapport publié le 21 mai par l’Institut français des relations internationales (IFRI) révèle l’ampleur des connexions du groupe, qui dispose désormais de recruteurs basés dans plusieurs pays voisins, du Kenya au Mozambique.
Selon le rapport, les ADF ne se limitent plus à des actions locales. Leur expansion s’accompagne de changements tactiques et organisationnels : allégeance à l’État islamique, implantation dans de nouvelles zones comme l’Ituri et le Lubero, et recours à une variété d’attaques (attentats à la bombe, enlèvements, raids armés). Le groupe finance ses activités grâce au commerce transfrontalier de produits tels que le bois, le cacao, les minerais et les armes, consolidant ainsi son influence économique et logistique.
Créées en 1994 par des rebelles ougandais salafistes, les ADF s’inspirent initialement de la secte Tabligh. Leur but : renverser le régime de Yoweri Museveni et instaurer une vision rigoriste de l’islam. Depuis leur implantation dans le territoire de Beni, le groupe a su exploiter les fragilités locales, les conflits communautaires et les revendications sociales pour asseoir sa présence et élargir son réseau. L’allégeance à l’État islamique en 2019 a marqué un tournant, donnant à leurs actions une portée internationale.
La diversification des modes opératoires et le recrutement d’anciens militaires ougandais et de volontaires d’Afrique de l’Est confèrent aux ADF une capacité d’adaptation redoutable. Leur extension vers des zones frontalières stratégiques complique la réponse militaire et impose une approche régionale. Le rapport de l’IFRI souligne qu’au-delà des opérations armées, il est urgent de s’attaquer aux réseaux financiers et logistiques qui alimentent le groupe, afin de contenir sa progression.
Les jeunes désœuvrés et les commerçants du Nord-Kivu constituent des cibles privilégiées pour le recrutement. Promesses d’argent, de travail ou d’éducation gratuite sont utilisées par les recruteurs basés à l’étranger. Le groupe s’appuie également sur des complicités locales, y compris dans certains services de sécurité congolais, pour faciliter le transit de combattants et de marchandises. L’arrestation en août 2023 d’un collaborateur clé, Rashidi Kupa Patrick, illustre l’ampleur de ce réseau.
Des rescapées des ADF témoignent de la brutalité du groupe, qui impose une interprétation stricte de la charia et cherche à convertir de force les populations locales. Les attentats ciblant des civils, notamment des chrétiens, révèlent une volonté d’instaurer un climat de terreur. La capacité d’influence des ADF et leurs liens avec des réseaux régionaux exigent une riposte concertée à l’échelle de l’Afrique de l’Est.