Des archéologues sénégalais ont exhumé des squelettes portant des traces de projectiles dans le cimetière militaire de Thiaroye, près de Dakar. Les fouilles, lancées en mai 2025, visent à déterminer si ces restes sont ceux des tirailleurs africains tués par l’armée coloniale française le 1er décembre 1944, lors d’un épisode encore largement obscur de l’histoire coloniale.
L’équipe de chercheurs, mandatée pour sonder une section du cimetière militaire, a mis au jour plusieurs squelettes présentant des impacts de balles au niveau de la poitrine. Des munitions de calibres différents ont également été retrouvées sur place. Cette découverte, si elle est confirmée par des expertises indépendantes, pourrait marquer un tournant dans la reconnaissance officielle du massacre de Thiaroye.
Le massacre du 1er décembre 1944 reste l’un des épisodes les plus controversés de la relation entre la France et ses ex-colonies africaines. Ce jour-là, des tirailleurs sénégalais, démobilisés et revenus du front européen, réclamaient le paiement de leurs soldes. L’armée coloniale aurait réprimé leur mouvement dans le sang. Le nombre de morts demeure incertain : les chiffres varient entre quelques dizaines et plus d’une centaine, sans qu’aucune enquête officielle n’ait jamais établi la vérité.
Malgré l’intérêt national et international suscité par ces fouilles, les autorités sénégalaises gardent le silence. Aucun communiqué officiel n’a encore confirmé les découvertes. Selon plusieurs sources proches du dossier, un rapport est en cours de rédaction et sera présenté aux autorités après la fête de la Tabaski. Des responsables justifient ce silence par le caractère sensible du dossier et l’obligation de vérification scientifique rigoureuse.
Si les résultats des expertises balistiques confirment la présence de balles datant de la Seconde Guerre mondiale dans des restes humains, cela viendrait appuyer les récits oraux et les soupçons de longue date portés par les familles des victimes, les historiens et les militants de la mémoire coloniale. Le lieu même de Thiaroye, devenu un symbole du mépris colonial, pourrait alors devenir aussi un lieu de vérité judiciaire et historique.
Au-delà de l’enquête archéologique, ce travail soulève une question plus large : celle de la reconnaissance par la France du massacre de Thiaroye. En 2014, François Hollande avait admis une répression, sans aller jusqu’à parler de massacre ni reconnaître une responsabilité directe. Ces nouvelles découvertes pourraient rouvrir le débat, en obligeant Paris à aller plus loin sur la voie d’une reconnaissance pleine et entière.