Le Nigeria organise, les 20 et 21 juin à Abuja, un sommet économique régional qui se veut décisif. Sans le parrainage de la Cédéao, cette initiative portée uniquement par le Nigeria vise à faire d’Abuja un pôle stratégique de commerce et d’investissement en Afrique de l’Ouest. Y sont attendus des chefs d’État, ministres, investisseurs, dirigeants du secteur privé, institutions de développement, ainsi que, potentiellement, des représentants des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), en rupture avec la Cédéao.
Ce sommet répond à un engagement pris par Bola Ahmed Tinubu en 2023 à Bissau : organiser un grand rendez-vous régional autour des questions économiques. Cette rencontre à Abuja s’inscrit dans les objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et ambitionne d’aller au-delà des discours. Deux temps forts sont annoncés : une table ronde présidentielle et un forum d’entreprises, avec la participation de plus d’une centaine de PME et startups africaines. Pour Tinubu, il s’agit de replacer le Nigeria au cœur de la dynamique économique régionale, loin de la paralysie institutionnelle actuelle.
Ce sommet économique se distingue par son cadre informel, non affilié à la Cédéao, que les pays de l’AES – Burkina Faso, Mali, Niger – ont quitté en 2024. Le choix du Nigeria d’inviter malgré tout ces trois États montre une volonté d’apaisement et une tentative de préserver les ponts économiques dans une région en recomposition. Tinubu, dont le mandat à la tête de la conférence des chefs d’État de la Cédéao s’achève ce 22 juin, joue ici sa dernière carte de médiateur régional.
Avec ce sommet, Abuja affiche son ambition de ne pas subir les divisions régionales. Le Nigeria cherche à se poser en arbitre économique au moment où les fractures politiques se creusent. Cette initiative pourrait préfigurer un basculement stratégique : moins d’attachement aux institutions traditionnelles, plus d’engagement dans des formats alternatifs à géométrie variable, fondés sur les intérêts économiques concrets. La ZLECAf, qui peine à décoller sur le terrain, pourrait y trouver un levier opérationnel.
Mais cette approche soulève des questions. Le sommet d’Abuja, bien que prometteur, reste un événement à portée limitée s’il ne débouche pas sur des engagements communs structurants. L’absence de la Cédéao en tant qu’organisation, combinée à la défiance persistante des régimes militaires du Sahel, pourrait freiner l’élan. À long terme, l’enjeu sera de transformer ce type d’initiative en mécanisme durable de coopération économique, ce qui suppose une stabilité politique que la région peine à garantir.
Le Nigeria insiste sur le caractère original de ce sommet. Le ministre des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, l’a précisé : « Il ne s’agit pas de copier Davos mais de créer une plateforme africaine, ancrée dans les réalités régionales ». En misant sur les jeunes entreprises et l’innovation, Abuja espère faire émerger un modèle propre à l’Afrique de l’Ouest. Mais pour que cette ambition prenne corps, il faudra que l’élan économique dépasse les clivages politiques – et que le Nigeria parvienne à entraîner ses voisins dans une dynamique collective.