Un an et demi après le lancement de sa production, la raffinerie Dangote, présentée comme la plus grande d’Afrique, franchit une nouvelle étape : elle débute la distribution locale d’essence et de diesel à partir du 15 août. Une flotte de 4 000 camions roulant au gaz naturel comprimé est mobilisée pour approvisionner directement le marché nigérian.
En maîtrisant à la fois la production et la distribution, le groupe Dangote cherche à consolider ses débouchés. L’offre comprend des facilités de crédit pour les petits opérateurs et réseaux de stations-service, ce qui permet d’élargir la base de clients. Pour Philippe Sébille-Lopez, spécialiste en géopolitique pétrolière, cette démarche vise une montée en puissance du raffinage. Le groupe tente ainsi de s’imposer comme un acteur incontournable du marché local, voire de supplanter les raffineries publiques, peu efficaces, de la Nigerian National Petroleum Company (NNPC).
La relation avec la NNPC reste néanmoins ambivalente. Bien que cette dernière ait fourni à la raffinerie Dangote 300 000 barils de brut par jour pendant six mois, en monnaie locale pour atténuer les risques de change, elle conserve une préférence marquée pour l’exportation du brut, plus lucrative en devises. Cette situation freine l’approvisionnement régulier de la raffinerie privée et limite son activité à la moitié de ses capacités.
Selon Charles Thiémélé, trader chez BGN, la raffinerie Dangote couvre actuellement entre 40 % et 50 % de la demande locale. L’ambition affichée est d’atteindre 80 % à 100 % du marché nigérian. Pour cela, des négociations devront encore aboutir, notamment avec l’État fédéral, afin d’assurer un accès pérenne au brut nigérian et de garantir une rentabilité à long terme.
Au-delà des défis logistiques et politiques, le groupe Dangote doit affronter un secteur d’importation de carburant bien implanté et protégé par de puissants intérêts. Le système de distribution traditionnel, contrôlé par des importateurs bénéficiant parfois de subventions ou de réseaux d’influence, représente un obstacle de taille. La réussite de Dangote dépendra aussi de sa capacité à s’imposer face à ces acteurs.
Si le pari industriel de Dangote aboutit, il pourrait marquer un tournant pour l’indépendance énergétique du Nigeria. Réduire la dépendance aux importations et valoriser le raffinage local permettrait non seulement de stabiliser les prix à la pompe, mais aussi de renforcer la souveraineté économique du pays. Mais à ce stade, la réussite de ce projet reste conditionnée à un alignement d’intérêts encore fragile entre secteur privé et institutions publiques.