Selon un rapport publié par la banque britannique Barclays, la dette publique du Sénégal atteindra 119 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2024, contre 99,7 % en 2023. Une augmentation de près de 20 points en un an, qui place le pays en tête des États africains les plus endettés, devant la Zambie et le Cap-Vert. Cette nouvelle a aussitôt été mal reçue par les marchés, entraînant une chute marquée des obligations sénégalaises.
La réévaluation opérée par Barclays repose sur l’estimation de la dette nationale à 23 500 milliards de francs CFA, rapportée au PIB de 2023, en l’absence de données actualisées pour 2024. Si cette méthodologie donne une photographie sévère de la situation financière du pays, elle est révélatrice d’une dynamique préoccupante. Déjà en avril, le FMI signalait un endettement équivalant à 111,4 % du PIB, confirmant une tendance lourde.
Cette dégradation intervient dans un contexte économique marqué par l’anticipation de revenus liés à l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz, que Dakar espérait utiliser pour alléger sa dette. Mais l’empilement des emprunts depuis plusieurs années, pour financer d’ambitieux projets d’infrastructures, combiné aux retards dans les recettes attendues, a fragilisé les équilibres macroéconomiques. Le flou sur la structure réelle de la dette – intérieure, extérieure, garantie – aggrave les inquiétudes.
La réaction des investisseurs ne s’est pas fait attendre. D’après Bloomberg, les obligations en dollars du Sénégal ont perdu 9,1 % de leur valeur depuis janvier, un recul supérieur même à celui observé pour l’Ukraine, en guerre. Ce désaveu se traduit par une hausse des coûts d’emprunt pour l’État sénégalais, qui devra désormais faire face à des conditions de financement plus contraignantes à l’international.
Face à l’ampleur des critiques, le ministère des Finances a annoncé une revue indépendante de la dette publique entre 2019 et 2024. Mais cette communication n’a pas rassuré les marchés, les chiffres officiels étant encore jugés trop imprécis. Par ailleurs, le décaissement du prêt de 1,8 milliard de dollars promis par le FMI reste suspendu, en attente de données jugées plus transparentes.
Au-delà du choc immédiat, la situation actuelle pourrait durablement ternir la réputation financière du Sénégal, pourtant considéré ces dernières années comme un élève modèle de la sous-région. À moins d’un rétablissement rapide de la confiance via des audits crédibles, une meilleure transparence budgétaire et une stratégie de désendettement claire, Dakar risque de voir ses marges de manœuvre se réduire drastiquement.