Le Burkina Faso a adopté, le 2 juillet, un vaste redécoupage administratif qui fait passer le pays de 13 à 17 régions et de 45 à 47 provinces. Cette réforme, décidée en Conseil des ministres sous la présidence du capitaine Ibrahim Traoré, vise principalement à répondre à des impératifs sécuritaires dans un contexte de guerre contre les groupes armés.
Parmi les principales modifications, la création de quatre nouvelles régions – le Soum, la Sirba, la Tapoa et le Sourou – vient renforcer l’ancrage de l’État dans des zones particulièrement exposées à l’insécurité. Deux nouvelles provinces, Dyamongou et Karo-Peli, voient également le jour. En parallèle, les autorités ont choisi de renommer plusieurs entités territoriales en langues nationales, rompant ainsi avec l’héritage colonial. Ouagadougou devient Kadiogo et Bobo-Dioulasso est désormais appelée Guiriko. L’ensemble du processus est assorti d’une période transitoire de six mois pour sa mise en œuvre effective.
Ce changement s’inscrit dans une volonté de rupture affichée par le régime de transition, arrivé au pouvoir en septembre 2022. Il intervient alors que les anciennes régions de l’Est, du Sahel et de la Boucle du Mouhoun – qui représentent à elles seules 43 % du territoire – concentrent une part importante des attaques djihadistes. En redéfinissant les limites administratives, le gouvernement espère améliorer la couverture sécuritaire, fluidifier la gouvernance locale et rapprocher les services publics des populations.
Au-delà des objectifs sécuritaires, ce découpage est également un geste politique. En choisissant des toponymes issus des langues locales, le régime de Traoré entend valoriser les racines culturelles du pays, dans une logique de souveraineté identitaire. C’est un message clair : l’État burkinabè veut se recentrer sur ses valeurs propres, loin des références exogènes. Cette africanisation des appellations, qui pourrait sembler anecdotique, est en réalité porteuse d’un discours de rupture.
La réussite de cette réforme dépendra cependant de sa mise en œuvre concrète. La période transitoire de six mois s’annonce cruciale : il faudra revoir les infrastructures administratives, former les agents, redéfinir les budgets, sans oublier l’enjeu de l’appropriation populaire de ces nouveaux noms. Si une partie de la population peut saluer ce retour aux sources culturelles, d’autres pourraient exprimer un attachement aux anciennes dénominations, symboles d’une mémoire collective.
Ce redécoupage pourrait donc servir de test politique pour la transition en cours. Il mettra à l’épreuve la capacité du régime à concilier ambition sécuritaire, affirmation identitaire et efficacité administrative. Dans un pays toujours fragilisé par les violences armées, chaque réforme engage désormais la crédibilité du pouvoir.