À quelques mois de la présidentielle au Cameroun, les équilibres politiques vacillent. Tandis que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) attend l’officialisation de la candidature de Paul Biya, deux figures historiques du régime, Bello Bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary, ont pris leurs distances pour se lancer dans la course. Face à ce coup de tonnerre, le pouvoir multiplie les consultations en urgence. En parallèle, l’opposition, jusqu’ici morcelée, entame un rapprochement inédit autour d’une éventuelle candidature commune.
Au palais présidentiel, les consultations s’accélèrent sous la houlette de Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence. Officiellement mandaté par Paul Biya, il a invité ses interlocuteurs à rester « sereins, mobilisés et déterminés », tout en rappelant qu’« une élection n’est jamais gagnée d’avance ». La consigne vise avant tout le Nord du pays, bastion traditionnel du RDPC, mais désormais fragilisé par le départ de deux anciens ministres influents, tous deux issus de cette région stratégique. Selon un haut fonctionnaire, ces concertations visent à contenir l’effet domino de ces défections dans une zone historiquement acquise au président sortant.
L’éclatement progressif de la majorité présidentielle intervient dans un contexte où Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, n’a toujours pas officialisé sa candidature. Ce flou alimente les spéculations et donne du grain à moudre à ses adversaires. En face, l’opposition, longtemps divisée, semble percevoir une brèche à exploiter. L’arrivée dans son camp de deux figures issues du système Biya pourrait rebattre les cartes, mais aussi forcer une redéfinition des rapports de force internes. L’élément nouveau réside dans cette dynamique de recomposition, avec des acteurs jusqu’ici éparpillés qui, sous la pression de l’urgence, commencent à dialoguer.
Depuis l’annonce de sa candidature, Bello Bouba Maïgari ne désemplit pas. Sa résidence s’est transformée en centre de gravité provisoire pour les figures de l’opposition. Joshua Osih (SDF), Mamadou Mota (MRC) et d’autres responsables politiques sont déjà venus à sa rencontre. Si le contenu des discussions reste confidentiel, plusieurs sources laissent entendre qu’une coalition est à l’étude. L’idée d’une candidature unique, portée par un consensus, gagne du terrain dans un paysage politique pourtant habitué à la dispersion. Reste à savoir si les ambitions personnelles pourront s’effacer au profit d’une stratégie commune.
L’enjeu d’une union de l’opposition ne se résume pas à une addition d’électeurs : il s’agit de construire une offre politique crédible face à un système solidement implanté depuis quatre décennies. Les divergences idéologiques, les querelles de leadership et l’absence de tradition unitaire compliquent la tâche. Pourtant, le contexte — avec un Biya affaibli, un RDPC ébranlé, et un électorat potentiellement plus réceptif — pourrait favoriser une rupture avec le passé. La dynamique en cours reste fragile, mais inédite.
Le Cameroun entre dans une séquence politique incertaine. Le RDPC n’est plus un bloc monolithique, l’opposition n’est plus totalement désorganisée. Les défections récentes et les velléités de regroupement annoncent une campagne plus disputée qu’à l’accoutumée. Mais tout dépendra de la capacité des opposants à dépasser les calculs individuels pour bâtir une stratégie collective. Si une telle alliance devait voir le jour, elle pourrait forcer le pouvoir à sortir de sa posture de domination routinière. Dans le cas contraire, le système en place pourrait, une fois de plus, capitaliser sur la division de ses adversaires.