La Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale du Tchad a critiqué la prise de position de son homologue française au sujet de l’incarcération de Succès Masra. Dans un communiqué officiel, elle rejette fermement ce qu’elle considère comme une ingérence étrangère dans une procédure judiciaire nationale, affirmant la souveraineté du pays et l’indépendance de sa justice.
Dans sa déclaration, la présidente de la commission, Dr Outman Haoua, dit être « surprise et attristée » par les propos venus de Paris, qu’elle estime déplacés et inappropriés. Elle insiste sur le fait que les accusations portées contre l’ancien Premier ministre relèvent strictement de la compétence des juridictions tchadiennes, lesquelles, selon elle, fonctionnent dans le respect du principe de séparation des pouvoirs.
Cette montée de tension survient alors que les relations franco-tchadiennes traversent une phase de crispation. En mai dernier, le gouvernement tchadien avait déjà manifesté son mécontentement en déclarant persona non grata plusieurs avocats étrangers impliqués dans la défense de Succès Masra. Ces décisions successives traduisent une volonté claire des autorités de N’Djamena de limiter les influences extérieures, en particulier européennes, dans les affaires politiques internes.
Succès Masra, figure majeure de l’opposition et président du parti Les Transformateurs, a été arrêté le 16 mai. Il est poursuivi pour incitation à la haine, assassinat et complicité d’assassinat, en lien avec les violences survenues dans le canton de Mandakaou, qui ont fait 42 morts. Ses proches dénoncent une arrestation à visée politique et contestent les charges, qualifiant la procédure de « manipulation judiciaire ».
La posture de l’Assemblée nationale s’inscrit dans une stratégie plus large du régime tchadien visant à resserrer le contrôle sur le discours judiciaire et politique, dans un pays marqué par une transition post-Idriss Déby encore fragile. La figure de Masra, jadis allié devenu opposant farouche, incarne une fracture persistante dans l’espace politique, que les autorités souhaitent manifestement contenir.
Sur le fond, cette affaire relance le débat sur l’équilibre entre souveraineté nationale et respect des droits politiques fondamentaux. Si les autorités mettent en avant la légalité des poursuites, les critiques, tant locales qu’internationales, alertent sur une instrumentalisation de la justice. À Paris, comme au sein d’ONG africaines, on redoute un durcissement du régime à l’approche de nouvelles échéances électorales.