Alors que les tensions s’accumulent entre Abuja et plusieurs puissances étrangères, le Nigeria fait face à un isolement diplomatique préoccupant. Depuis près d’un an, le pays ne dispose plus d’ambassadeurs en poste, à l’exception de ses représentants auprès des Nations unies à New York et Genève. Un vide institutionnel qui pèse sur sa capacité à négocier, défendre ses intérêts ou tout simplement maintenir son rang sur la scène internationale. Face aux récentes restrictions de visas imposées par les États-Unis et les Émirats arabes unis, cette carence diplomatique prend une dimension critique.
En septembre 2023, à son arrivée au pouvoir, le président Bola Tinubu a brusquement rappelé les 109 chefs de mission diplomatique du pays, sans fournir d’explication. Depuis, aucune nomination n’a été officialisée. À mesure que les mois passent, ce silence devient plus lourd à porter. Le ministre des Affaires étrangères a tenté de justifier l’inertie en évoquant un agenda présidentiel chargé et des priorités économiques urgentes. Une ligne de défense peu convaincante pour de nombreux diplomates et analystes.
Le Nigeria, souvent présenté comme une puissance régionale incontournable, s’est longtemps appuyé sur un réseau diplomatique dense pour faire valoir ses intérêts en Afrique et au-delà. En réduisant volontairement sa présence, Abuja rompt avec cette stratégie. Officiellement, des raisons budgétaires sont aussi avancées : l’État aurait du mal à financer ses ambassades. Ce manque de moyens, s’il se confirme, enverrait un signal d’affaiblissement inquiétant à ses partenaires et rivaux.
L’absence d’ambassadeurs empêche la conduite normale des relations bilatérales. Les chargés d’affaires, qui assurent l’intérim dans plusieurs chancelleries, n’ont ni l’influence ni l’accès nécessaires pour traiter directement avec les décideurs politiques étrangers. Conséquence : le Nigeria se prive de leviers diplomatiques dans des négociations sensibles, qu’il s’agisse de sécurité, d’investissements ou de mobilité. Et dans un contexte de méfiance croissante à l’égard des ressortissants nigérians à l’étranger, cette carence devient un handicap majeur.
En avril 2025, des fuites dans la presse faisaient état d’une liste d’ambassadeurs potentiels soumise à des vérifications de sécurité. Mais depuis, aucun signe de validation n’a émergé du palais présidentiel. Ce mutisme alimente les spéculations sur un blocage politique, une désorganisation interne, voire un manque de volonté réelle de relancer la machine diplomatique. À ce jour, la présidence Tinubu ne semble ni pressée, ni prête à rompre avec cette paralysie inquiétante.
Au-delà de la crise immédiate, c’est l’image du Nigeria qui s’érode. Un pays qui ambitionne un rôle de leader continental ne peut rester absent des grands débats internationaux. En se retirant de fait des enceintes diplomatiques, Abuja mine sa crédibilité et laisse le champ libre à d’autres acteurs plus réactifs. Pour l’heure, les annonces de « discussions diplomatiques » promises par Bola Tinubu ne suffisent pas à dissiper les doutes sur sa stratégie extérieure. À moins d’un sursaut rapide, le Nigeria risque de sortir durablement affaibli de cet isolement qu’il s’est lui-même imposé.